REPORTAGE – Depuis octobre, l’armée française a entamé son retrait du nord du pays, pour se concentrer sur la menace djihadiste plus au sud. À Tombouctou, au Mali, dernière base française la plus au nord, le désengagement a commencé.

Depuis octobre, l’armée française a entamé son retrait du nord du pays, pour se concentrer sur la menace djihadiste plus au sud. À Tombouctou, dernière base française la plus au nord, le désengagement a commencé. D’ici mi-décembre les 200 soldats seront partis.

C’est un va-et-vient incessant de camions. Des containers sont chargés, des tentes sont démontées, les emplacements sont vidés. Huit ans de présence ici à Tombouctou prennent fin, pièce par pièce. Carnet à la main, dans le sable et la poussière, l’adjudant Hari, est en charge de ce chargement pas comme les autres : “Actuellement, j’ai 22 containers, des véhicules non-roulants, des véhicules roulants, les cuisines, les douches de campagne, la laverie aussi”, énumère-t-il.

Il faut que “tout soit bien organisé, au millimètre près, pour pas qu’il n’y ait de loupé. On n’a pas le droit à l’erreur ici”. Pas le droit à l’erreur, il y a un calendrier à tenir .Tous ces chargements vont maintenant partir vers la base française de Gao, à 370 kilomètres plus au sud. Un convoi exceptionnel d’une centaine de véhicules et qui va mettre quatre jours à arriver.

Des dizaines de camions arrivant sur la base de Tombouctou pour embarquer le matériel. Ce convoi partira ensuite vers Gao (370 kilomètres plus au sud) escorté par des blindés français. Quatre jours de voyage dans un terrain difficile et dangereux.

La “zone des trois frontières”

Car le terrain est compliqué et dangereux. Le capitaine Jean Vianney, numéro deux de la base de Tombouctou nous explique : “sur un convoi, ce qui nous inquiète le plus, c’est les IED, c’est-à-dire des engins explosifs improvisés. Ce n’est ni plus ni moins qu’une mine artisanale qui peut être placée, soit dans le sable, dans la terre ou alors sur un véhicule. Un véhicule-suicide, ici, c’est le plus gros danger”.

Pourquoi Barkhane quitte-t-elle le nord du Mali ? Parce que la lutte anti-terroriste se reconcentre vers le sud, dans ce que l’on appelle la “zone des trois frontières”, entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso. C’est là qu’ont eu lieu les dernières grosses attaques de djihadistes et c’est pourquoi la force Barkhane se déporte désormais vers ces zones, considérant que le Nord est aujourd’hui moins instable que le sud.

La population réagit assez mal à ce départ des Français de Tombouctou. Ils sont en fait très inquiets car la ville ne s’est jamais vraiment remise de l’arrivée des djihadistes en 2012. Même si les groupes terroristes ont été ensuite chassés par la France, Tombouctou n’a jamais vu les touristes revenir. Le travail est rare, la pauvreté et la violence sont en hausse.

“L’Afghanistan n’est pas le Mali”

Touré tient une échoppe de souvenirs près de la base française, il accepte de nous parler mais en se cachant le visage, par peur des représailles. “Les gens ont peur que Barkhane s’en aille. Si les gens partent, qui va les garder, qui va faire attention. Moi, je dis non au départ de Barkhane”. Comme beaucoup d’autres en ville, Touré craint un scénario à l’afghane, la peur que les djihadistes reviennent dès les Français partis.

Mais pour le capitaine Fabrice, en charge de cette opération de désengagement, la situation est bien différente de celle de l’Afghanistan. “L’Afghanistan n’est pas le Mali. L’Armée française quitte Tombouctou, mais elle n’est pas très loin puisqu’on reste sur Gao. Donc il y a des opérations qui pourront toujours être réalisées sur Tombouctou. Contrairement au désengagement afghan, l’Armée française est encore présente”.

Ce sont les forces armées maliennes qui vont désormais prendre la relève sur la base française. C’est d’ailleurs pour ça que tout ne sera pas démonté. La France va y laisser des tentes et des frigos pour qu’elles puissent s’y installer rapidement.

Source: Barkhane