Le ministère de la Justice a annoncé hier,  jeudi 16 septembre 2021, l’adoption de deux projets de loi pour amnistier les deux derniers coups d’État survenus dans le pays en moins d’une année. Le premier, le 18 août 2020, contre l’ancien président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, après des mois de contestations populaires. Le second est intervenu le 24 mai dernier contre l’ancien président de la transition Bah N’Daw. Il faut quand même signaler que certains membres du CNT ont voté contre malgré tout.  

Les projets de loi « ont été adoptés à la majorité des membres du CNT (l’organe législatif de la transition, ndlr) avec 99 voix pour, 02 voix contre et 02 abstentions », a précisé le ministère de la Justice dans une publication sur sa page Facebook.  

Annoncée depuis des mois, la loi d’amnistie pour les auteurs de tous les crimes commis lors des derniers coups d’État a été votée. En langage clair; les militaires putschistes ont été “purifiés’’ et n’encourent aucun risque contre les prescriptions de la constitution du Mali qui pourtant dit que «  le coup d’État est imprescriptible et punis par la loi ».  

 En effet, le Conseil National de Transition (CNT) a adopté, ce jeudi 16 septembre 2021, le projet de loi portant amnistie des faits survenus et ayant entraîné la démission, le 18 août 2020, de l’ex-président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), de l’ex-président de la Transition et chef de l’État, Bah N’daw, ainsi que son Premier ministre, Moctar Ouane, le 24 mai 2021. Ledit projet de loi d’amnistie adopté s’étend de la date de la levée des mesures restrictives de liberté de l’ancien président de la Transition et de l’ancien chef du gouvernement. Il comprend trois articles, notamment les infractions couvertes par l’amnistie, et traite l’étendue de l’amnistie et des personnes bénéficiaires.  

Pour prendre en compte les nouvelles infractions commises, cette loi adoptée par le CNT prévoit dans son article premier que les infractions ainsi que leurs tentatives prévues et punies par les textes en vigueur, commises sur le territoire national du 18 août 2020 au 25 septembre 2020 en lien avec la démission du président de la République, sont amnistiées : insoumission, désertion, provocation à la désertion et recel de déserteur, trahison et complot militaire, pillages, destruction, insubordination, rébellion, refus d’obéissance, voies de fait et outrages envers les supérieurs, violences ou insultes à sentinelle, voies de fait et outrages à subordonné, abus du droit de réquisition, infraction aux consignes, homicide involontaire, coups mortels, violences et outrages envers dépositaires de l’autorité ou de la force publique, troubles graves à l’ordre public, refus d’un service légalement dû, atteinte à la sûreté intérieure de l’État atteinte et à la sûreté extérieure de l’État, opposition à l’autorité légitime, coup et blessures volontaires et involontaires, violences et voies de fait, menace de mort, enlèvement de personnes, arrestations illégales, séquestration de personnes, extorsion et dépossessions frauduleuses, embarras de la voie publique et atteinte à la liberté de travail.  

Cette loi d’amnistie permettra de pardonner aux auteurs et complices desdits événements sans occulter le droit à la réparation des victimes. Il éteint toute action publique contre tous ceux qui ont participé ou commis des infractions lors des événements.  

Il faut noter que la Charte de la transition dispose en son article 23 « que les membres du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) et tous les acteurs ayant participé aux événements, allant du18 août 2020 à l’investiture du président de la Transition, bénéficient de l’immunité. À ce titre, ils ne peuvent être poursuivis ou arrêtés pour des actes posés lors desdits événements. Une loi d’amnistie sera adoptée à cet effet ».  

Boîte de pandore  

L’adoption de la loi d’amnistie légalise désormais les coups d’État en République du Mali. Si tel est le cas après chaque forfait, les militaires peuvent trouver le vilain moyen de se cacher derrière cette fameuse loi d’amnistie. Le même scénario s’était produit en 2013 avec le général Amadou Aya Sanogo. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir l’importance de la constitution, si des individus peuvent subtilement se servir d’une loi pour justifier des actes répréhensibles. En clair, sans risque de se tromper, ce énième vote de loi d’amnistie protégeant les militaires ouvre la boîte de Pandore et, par conséquent, légalise les putschs au Mali. Ce sujet mérite une attention durant les réformes constitutionnelles et institutionnelles à venir si l’on souhaite véritablement mettre fin à cette spirale négative. Dans le cas contraire, cette loi entretiendra et facilitera les putschs.  

Kevin KADOASSO  

Source: LE COMBAT