L’adoption du projet de Loi électorale par le Conseil National de Transition est effective depuis le vendredi, 17 juin 2022. Les débats pour ce faire n’ont pas été dans la courtoisie entre les conseillers et les représentants du gouvernement chargés de défendre ledit projet. Ils ont même donné lieu à un pugilat qui a mis en exergue le désamour entre le gouvernement et l’organe législatif, créant un malaise, voire des inquiétudes, dans l’opinion publique nationale. Tous les regards sont maintenant tournés vers le Président de la Transition.

Le projet de Loi électorale a été débattu et voté au CNT. La séance a montré un hiatus net entre l’organe législatif et le gouvernement, les deux institutions ne voguant pas vers la même galaxie. En cette période transitoire qui va encore durer vingt-et-deux mois, en l’absence d’une majorité et d’une opposition formelle, même près de 250 partis politiques semblent se disputer l’échiquier politique, on a désormais l’impression, et cela depuis le 21 avril passé, que c’est le CNT qui joue le rôle de l’opposition contre le gouvernement perçu comme étant la majorité. Une dichotomie au sein de l’équipe dirigeante qui ne rassure pas beaucoup de nos concitoyens. Avec les débats de vendredi dernier, l’atmosphère est devenue absolument délétère entre le Premier ministre et le CNT. Le Gouvernement et l’organe législatif ne parlent plus le même langage et cela n’augure rien de bon.

Le Président du CNT, qui assurait la police des débats, a donné la nette impression de censurer les représentants du gouvernement, créant par moment des malaises chez ces derniers quelque peu surpris par cette attitude. On ne reviendra pas sur tous les épisodes, mais on notera que des membres du CNT, peu importe la pertinence ou la subjectivité de leurs argumentations, ont joué plutôt aux procurateurs. Il s’en est suivi sur les réseaux sociaux des réactions outrées, les deux parties se prenant pour cibles. Le Mémorandum produit par le M5-RFP pour battre en brèche les amendements opérés par le CNT ont été abondamment commentés. Les partisans du CNT ne sont pas restés non plus muets ; ils ont continué à lancer avec une rare virulence des piques au Premier ministre. Pendant que cette guerre de communication qui vise beaucoup au bas de la ceinture continue, tous les regards sont tournés vers le Président de la Transition. Que va-t-il faire ? Le CNT s’attend naturellement que le chef de l’Etat promulgue la loi votée alors que le gouvernement, par sa ministre déléguée chargée des questions institutionnelles, ne se reconnaît pas dans celle-ci en l’état. Quant au M5-RFP, il a tout simplement suggéré au Président de ne pas procéder à la promulgation. Quant à une certaine classe politique qui jubile d’avoir obtenu dans l’AIGE, elle souhaite évidemment que le Président de la Transition aille dans le sens du CNT.

Le Colonel Assimi Goïta a quinze jours, depuis le vote de la loi, pour la promulguer. En droit, la promulgation d’une loi définitivement votée par l’institution indiquée pour cela est une compétence liée du chef de l’État. Cela signifie qu’il ne peut pas y mettre son veto en refusant de la promulguer. Mais la loi lui donne deux possibilités : soit il renvoie le texte aux députés (CNT) pour réexamen des dispositions qui le dérangent, soit il saisit la Cour constitutionnelle pour contester lesdites dispositions. En cas de saisine de la Cour constitutionnelle, il est lié par la décision de celle-ci qui, comme on le sait, est rendue en premier et dernier ressort. Le Président de la Transition est-il à l’aise dans l’affaire ? Nul ne saurait le dire avec exactitude. En fait, pensent beaucoup, ce qui est dérangeant dans cette situation qui ressemble bien à un bras de fer entre le gouvernement et le CNT et dont le chef de l’Etat est forcément l’arbitre, c’est qu’en cherchant coûte que coûte la tête du Premier ministre, le CNT et son président mettent la stabilité et la crédibilité de la transition en péril. C’est comme s’ils se tiraient une balle dans les pieds. Le président ne peut pas user de son veto pour bloquer la promulgation d’une loi dans notre droit positif. Cela est possible aux Etats-Unis, mais pas en France. Or, notre système juridique est calqué sur celui de la France. Les deux seules possibilités qu’il a pour retarder la promulgation, c’est, faut-il le répéter, le renvoi de la loi sur la table du CNT pour réexamen ou la saisine de la Cour constitutionnelle.

Sy Eric

Source: Le National