Encore une énième occasion de dilapider les maigres ressources d’un État qui se dit en guerre et qui n’arrive pas à faire face à la grogne sociale et à la fronde syndicale. Ces assises nationales de la refondation (ANR) sembleraient poursuivre deux objectifs majeurs inavoués : proroger le délai de la transition et permettre au colonel Assimi d’être candidat à la prochaine présidentielle. Tout le reste n’est que manipulation, sous le couvert fallacieux de rassembler les Maliens. Mais une chose est sûre : ‘’on peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps’’.

À l’instar des autres États de la sous-région, l’État du Mali n’a pas besoin de refondation car, il est né des entrailles de l’État colonial français, disposant de tous les attributs ou piliers d’un État moderne. Seulement au Mali, de l’indépendance à nos jours, la construction d’un État moderne est restée embryonnaire, tributaire de l’évolution en dents de scie de l’histoire politique du pays, marquée par des ruptures successives et une période de régression notable : 1- Socialisme (1960-1968) ; 2- Rupture du coup d’Etat du 19 novembre 1968 ; 3- Période de régression du Comité Militaire de Libération Nationale (1968-1978) ; 4- Événements de février 1978 ; 5- Édification d’une économie nationale indépendante et planifiée (1979-1991) ; 6- Transition démocratique (1991-1992) ; 7- Et enfin, depuis 1992, une période de multipartisme intégral qui a enregistré en mars 2012 la démission forcée d’Amadou Toumani Touré, un président démocratiquement élu, a seulement trois mois de la fin de son mandat constitutionnel. Ce coup d’État a été suivi de deux autres coups d’État : celui du 18 août 2020 et celui du 24 mai 2021.

La primauté du politique sur l’administratif, affirmée et mise en œuvre dès 1960, induit des comportements et des habitudes peu favorables à l’émergence d’une administration et d’un Etat de droit dignes de ce nom. Dans de telles conditions, l’édification d’une administration impartiale et impersonnelle, au service du citoyen, s’avère être une véritable gageure. D’autant plus que chaque régime politique se met en place avec sa vision et sa philosophie d’une administration et que la conquête du pouvoir politique recèle en lui-même une clé de répartition des ressources nationales. La tentation est trop grande en vue de mettre l’administration au service d’objectifs politiques affichés et/ou d’intérêts peu avouables ou inavouables.

Parallèlement, l’édification d’un État de droit et le respect de la règle commune par tous sont tributaires, à la fois, de la vision des leaders politiques et des objectifs politiques qu’ils entendent réalisés. Ainsi dès 1960, la Constitution de la 1ère République, marque une volonté politique des leaders politiques à ne pas se soumettre à la règle commune (ce qui les place, ipso facto, au-dessus de la loi), mais surtout celle de ne pas devoir rendre compte et encore moins celle de se soumettre au contrôle des citoyens. C’est ainsi que la Constitution de 1960 qui s’inspire de la Constitution française de 1958, entre autres omissions, omet dans son texte, un chapitre important de cette dernière : précisément le « Titre X – De la responsabilité pénale des membres du gouvernement » ! Ce qui n’était pas le meilleur augure en matière de promotion d’un État de droit impartial et impersonnel.

Sambou Sissoko

Source: Le Démocrate- Mali