Les participants à la grande rencontre qui s’ouvre aujourd’hui, auront la lourde tâche de déterminer la feuille de route, l’architecture, les organes et la charte de la Transition

 

De la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta (le 18 août dernier) à nos jours, les initiatives se multiplient pour que notre pays puisse organiser une transition consensuelle devant aboutir à l’installation d’un nouveau président démocratiquement élu. Le Mali avait déjà vécu cette expérience en 1991 après la chute du régime de Moussa Traoré et en 2012 après le coup d’État contre le président Amadou Toumani Touré.

Le Comité national pour le salut du peuple (CNSP), qui dirige aujourd’hui le pays, est dans la logique de travailler pour une transition réussie. C’est pourquoi, l’équipe que dirige le colonel Assimi Goïta n’a pas tardé à s’entourer d’un groupe d’experts (magistrats, constitutionnalistes, universitaires, sociologues, économistes) qui a travaillé sur un projet de termes de référence (TDR) pour l’organisation d’une concertation nationale sur la transition.

L’objectif global de ces assises nationales auxquelles est convié l’ensemble des forces vives de la nation est de convenir des grands axes de la feuille de route de la transition ; de définir l’architecture et les organes de la Transition et d’élaborer la charte de la transition.
La plupart de nos compatriotes attendent beaucoup de cette concertation nationale. Car d’après eux, la Transition qui sera mise en place aura la lourde tâche de poser les jalons d’un nouveau Mali. Un acte fort pour tourner définitivement la page de trois décennies, marquée notamment par la mauvaise gouvernance, la corruption, l’impunité, la détérioration de la situation sécuritaire, l’injustice.

Nombre de nos concitoyens estiment que c’est l’occasion de refonder l’État malien pour préparer un avenir radieux. Mais il ne faut pas se leurrer. Une bonne transition suppose une bonne feuille de route et surtout une entente parfaite sur les objectifs. Or le constat est que ces derniers temps, les Maliens ont du mal à se mettre ensemble pour avancer. La preuve : dès que le pouvoir a changé de main, la guerre de positionnement a commencé.

Faut-il un civil ou un militaire à la tête de la transition ? Quelle doit être sa durée ? Faut-il associer les dignitaires du régime déchu à la gestion de la Transition ? Faut-il contraindre les acteurs du Mouvement démocratique de 91 à la retraite ? Le débat fait rage au sein de l’opinion. Ce débat est normal vu l’importance des enjeux. Mais nous ne devons pas perdre de vue qu’un minimum de consensus est nécessaire pour franchir cette étape cruciale.

Du côté des partis politiques, on remarque qu’une certaine majorité se dégage pour une Transition dirigée par un civil «consensuel». Même le M5-RFP (groupement de partis et associations ayant combattu jusqu’à la chute du régime du président Ibrahim Boubacar Keïta) serait pour un civil à la tête de la transition et il revendique un rôle de premier plan aux côtés des militaires du CNSP.

RÉFORMES NÉCESSAIRES- Du côté de la société civile, une position claire est difficilement lisible sur la question. Mais beaucoup de de nos compatriotes sondés dans la rue souhaitent que la transition soit gérée par les militaires car, argumentent-t-ils, ceux-ci pourraient faire preuve d’une certaine neutralité entre les différentes chapelles de la classe politique.

Les hommes en tenue pourraient également faire prévaloir leur autorité pour mettre tout le monde d’accord sur l’essentiel : mettre le Mali sur les rails de la bonne gouvernance et du développement socio-économique. Le Mouvement populaire du 4 septembre (MP4), qui a organisé un rassemblement mardi à la place de l’Indépendance, entend œuvrer dans ce sens.

Par rapport à la durée de la transition, certains partis politiques proposent 14 à 18 mois. D’autres sont pour une durée maximum de 24 mois, le temps d’opérer toutes les réformes nécessaires (politiques, institutionnelles, socio-économiques) pour démarrer le nouveau Mali. Beaucoup de Maliens lambda soutiennent l’idée d’une transition dirigée par les militaires pour achever les trois ans qui restent du second mandat du président déchu.

Mais l’idée d’une transition au long cours n’est pas du tout partagée par nos partenaires de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Les chefs d’État et de gouvernement, réunis lundi dernier à Niamey, ont choisi de maintenir la pression sur les militaires au pouvoir en se gardant de lever les sanctions prises contre notre pays au lendemain du coup de force ayant amené le président Keïta à rendre sa démission.

Les dirigeants de l’organisation ouest-africaine continuent d’exiger que le président et le Premier ministre de la transition soient des «personnalités civiles» qui doivent être désignées d’ici le 15 septembre prochain. Quant à la durée de la transition, estiment-ils, elle ne doit pas dépasser une année. Le respect de ces dispositions constitue la condition de la levée des sanctions de la Cedeao.

La concertation nationale sur la transition qui s’ouvre aujourd’hui au Centre international de conférences de Bamako va-t-elle faire droit aux mesures édictées par l’organisation intergouvernementale ? Ce qui est sûr, les travaux placés sous la présidence du colonel Assimi Goïta, président du CNSP, seront axés sur les TDR validés le 5 septembre lors des ateliers organisés à Bamako et dans les capitales régionales.

Dans le cadre des préparatifs de la concertation nationale, le CNSP a rencontré les organisations de la société civile, le M5-RFP, les partis de l’ancienne majorité présidentielle, les groupes signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger et les mouvements de l’inclusivité, les organisations syndicales. C’est à la suite de ces consultations que les TDR de la concertation nationale sur la transition ont été élaborés. La fumée blanche qui sortira des travées du CICB à l’issue de la grande rencontre sera sans nul doute le résultat d’un processus qui s’est voulu inclusif.

Madiba KEITA

Source : L’ESSOR