La surfacturation, les heures supplémentaires fictives et la fraude ont caractérisé   les Universités du Mali pendant la période de 2010, 2011, 2012 et le premier trimestre de 2013. C’est du moins ce qu’on peut retenir du dernier rapport de vérification financière des universités de Bamako et de Ségou, élaboré par le Bureau du vérificateur général.

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La gouvernance de nos universités et grandes écoles préoccupe les pouvoirs publics. La concertation nationale  sur l’avenir de l’Enseignement supérieur en est du reste une parfaite illustration. Mais le  rapport de vérification financière de l’Université de Bamako et de celle de Ségou, élaboré par le Bureau du vérificateur général, coupe le souffle à tout bon citoyen. Pour cause : le détournement, la fraude et la surfacturation  ont atteint leur paroxysme.

L’Enseignement supérieur, perçu comme un haut lieu de formation des élites de demain, semble avoir une autre mission. Au lieu que les étudiants reçoivent une formation de qualité, c’est leur avenir qui est hypothéqué par les pratiques malsaines de ceux-là mêmes qui sont chargés de les éduquer et de les mettre dans de conditions d’étude. Ils sont ainsi les témoins,  au quotidien, de l’irresponsabilité et de la mauvaise gestion du dernier public.

Ainsi, pendant la période 2010, 2011 et 2012, l’Université de Bamako, aujourd’hui scindée en quatre entités, a bénéficié de la part de l’Etat d’une subvention de 35,06 milliards de FCFA, soit 11, 68 milliards par an en plus des recettes propres.

Cependant, révèle le rapport du vérificateur, cet effort financier n’a pas été utilisé à bon escient. La gestion de ces sous a connu de graves irrégularités financières, essentiellement frauduleuses, qui n’ont pu « réaliser que par l’inefficacité et l’ineffectivité du contrôle interne public, un outil de management indispensable pour s’assurer que cet établissement supérieur de formation et de recherche est dans une logique d’atteinte des résultats ».

Selon les constatations auxquelles sont parvenues les missions de vérification,  les 5,73 milliards que l’Etat a accordés à l’Université de Bamako de 2010 à 2012, au titre des heures supplémentaires, ont fait l’objet d’une gestion opaque. La gestion de ce montant, supérieur à l’ensemble des budgets de fonctionnement annuel de la Cour constitutionnelle, du Haut conseil des collectivités, de la Cour suprême et du Conseil économique social et culturel, n’a été protégée par aucun texte juridique. Il n’y a même pas de pièce justificative pour prouver l’effectivité de ces heures supplémentaires. Ce qui ouvre la porte à tous les abus. Ainsi, le doyen d’une des facultés « a pu s’octroyer 56 heures supplémentaires par semaine pendant 36 semaines, soit 11 heures supplémentaires par jour. Et ce, malgré ses obligations administratives quotidiennes et ses travaux de recherches. » Sacré enseignant !  L’autre hic, c’est que ces frais sont versés aux bénéficiaires sans prélèvement des impôts y afférents.

En foi du présent rapport, outre la mauvaise gestion des heures supplémentaires,  les irrégularités décelées ont coûté aux contribuables maliens la bagatelle de 2,40 milliards de FCFA dont 533,83 millions au titre de la fraude (montants dû mais non perçu en raison notamment d’usage de faux, de détournement, de dépenses sans pièces justificatives, etc.).

A titre d’exemple, indique le rapport, dans le cadre du paiement d’une prestation de service, l’Université de Bamako a payé, pour les frais d’aménagement du jardin de la cour de la Faculté des sciences et techniques, le sac de ciment à 35.000Fcfa l’unité, malgré le rejet de l’engagement par le contrôleur financier.

«Les responsables des cas de fraudes signalés sont clairement identifiés et feront l’objet de dénonciations, par ses soins, au Procureur de la République en charge du Pôle économique et financier de Bamako qui appréciera les suites à donner», indique le rapport.

Quant à l’Université de Ségou, son rapport de vérification financière concerne la période 2011, 2012 et le premier trimestre de 2013. Cette université, la première  à l’intérieur du pays, avait suscité de l’espoir. Non seulement il y a des filières qui correspondent aux offres du marché de l’emploi, mais aussi elle rapproche de milliers d’étudiants de leurs familles respectives.  Mais cet espoir n’a été que de courte durée. Car la mauvaise gestion et la corruption se sont invitées dans la gestion.

Dans sa politique de création d’universités, d’instituts et d’écoles supérieures dans les capitales régionales, l’Etat a subventionné l’Université de Ségou à hauteur de 3,63 milliards de nos francs de 2011 au premier trimestre de 2013.

Cependant, rapporte le rapport de vérification financière du Bureau du vérificateur général, ces fonds ont souffert de nombreuses irrégularités aussi bien dans le processus de contrôle interne, dans la collecte de recettes que dans l’exécution des dépenses.

Les irrégularités décelées se chiffrent à 1,73 milliard, dont 1,72 milliard FCFA au titre de la fraude, soit plus de la moitié de la subvention accordée par l’Etat à l’Université pendant la période de revue.

Un exemple concret : selon le rapport du Vérificateur, l’Université de Ségou a ordonné le paiement de plus de 878 millions FCfa pour la livraison et des prestations non effectuées. En outre, précise le rapport, «il a, par contrats simplifiés, effectué d’autres dépenses fictives comme dans le cadre de l’installation et de l’entretien des réseaux téléphonique, informatique et de connexion à Internet dont le montant total, 41,91 millions de F Cfa, a été intégralement payé. La preuve de l’existence ou de l’utilisation des différents matériels objets du contrat n’a pas été fournie à la mission de vérification».  Voilà à quoi ressemblent nos universités chargées de former nos cadres intègres de demain.

C’est aux autorités judiciaires et politiques du pays, qui ont affirmé vouloir lutter contre la délinquance financière et la corruption, qu’il revient de diligenter le traitement des cas dénoncés par le bureau du vérificateur général.

Oumar KONATE

 

source:le prétoire