Le Représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, El-Ghassim Wane, a présenté, le mardi 11 janvier, au Conseil de sécurité des Nations unies le rapport trimestriel sur la situation dans notre pays. Ledit rapport met l’accent sur les progrès et défis les plus récents. Au cours de cette session, il a abordé notamment la mise en œuvre de l’Accord d’Alger et les défis sécuritaires ; les dernières sanctions de la CEDEAO ; ainsi que la situation humanitaire. A Washington, la question de Wagner s’est invitée dans les débats. Les représentants des grandes puissances se sont montrés divisés sur le « déploiement du groupe paramilitaire Wagner » au Mali. Le représentant de la France a regretté profondément que les autorités de la transition ‘’utilisent des fonds publics déjà limités pour rétribuer des mercenaires étrangers au lieu de soutenir les forces nationales et les services publics au bénéfice du peuple malien’’. Le délégué de la Russie a répliqué en soutenant que suite à la fermeture de certaines bases françaises au Mali, les Maliens se retrouvent seuls. Il a estimé que les Maliens ont le droit d’interagir avec d’autres partenaires qui sont prêts à coopérer avec eux dans le domaine du renforcement de la sécurité. «Critiquer de telles actions est fallacieux et irrespectueux», a-t-il lancé. Quant à la représentante des Etats-Unis, elle s’est dite préoccupée de la présence de ceux qu’elle qualifie d’individus liés au groupe Wagner, y voyant une menace pour la MINUSMA et le peuple malien

 

WANE présente un bilan sombre

Selon M. WANE, la série d’attaques coordonnées contre les camps de la MINUSMA, ainsi que la mort de 28 Casques bleus en 2021, dont 7 Togolais dans un seul incident en décembre, démontre l’environnement dangereux dans lequel la MINUSMA fonctionne.  Il a relevé que le conflit a eu un impact dévastateur sur les civils et la situation humanitaire.  Le nombre de personnes déplacées est passé de 216 000 en 2020 à plus de 400 000 un an plus tard.

La situation sécuritaire qui se dégrade affecte également la production agricole alors même que plus de 1,8 million de personnes devraient avoir besoin d’une aide alimentaire en 2022 contre 1,3 million en 2021.  Dans des circonstances aussi difficiles, la réponse à l’appel humanitaire est restée tiède puisque seulement 38% des fonds nécessaires ont été reçus.  Un soutien plus fort de la communauté internationale est nécessaire de toute urgence pour combler ce déficit de financement, a indiqué le Représentant spécial.

M. WANE a affirmé qu’alors que notre pays fait face à des temps difficiles, on observe une profonde aspiration des Maliens à voir se réaliser des réformes, une meilleure gouvernance et un État plus efficace.  Les partenaires du Mali devraient donc s’appuyer sur ces aspirations pour aider à poser les bases d’une stabilité durable, a-t-il recommandé en demandant aussi tous les efforts possibles pour résoudre les défis liés au processus de transition.

«Au-delà de la transition politique, il est crucial que le Conseil de sécurité continue à prêter la même attention à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et à la stabilité au centre, deux autres éléments constitutifs d’un Mali stable », a ajouté M. Wane.

La plaidoirie de Adam

DICKO

La Directrice exécutive de l’Association des Jeunes pour la Citoyenneté Active et la Démocratie, Adam DICKO, qui a intervenu par vidéoconférence, a appelé à plus d’humilité et à l’élaboration de solutions communes dans lesquelles les populations locales se reconnaissent pleinement.

«Au nom de tous les jeunes Maliens qui aspirent à un lendemain meilleur », elle a pointé du doigt le virus des inégalités sociale, économique, politique et environnementale qui entravent l’accès aux services essentiels, privent des millions de jeunes de bonheur et pousse la plupart d’entre eux à vivre dans la misère.

Pour la militante, la dégradation de la crise appelle à faire des constats.  Sur le plan sécuritaire, elle a jugé inadaptée la réponse militaire actuelle qui a montré ses limites et son incapacité à, non seulement venir à bout de la menace, mais aussi à la contenir.

«Les jeunes Maliens déçus sont révoltés contre un État qui n’arrive plus à assurer leur sécurité», a-t-elle témoigné en prévenant que les plus fragiles se rallient aux groupes extrémistes pour des raisons pécuniaires et matérielles, mais aussi et souvent, pour protéger leurs proches.

Les jeunes s’interrogent sur la répétition d’actions des pays dits « opposés de point de vue », les voyant se disputer pour des intérêts d’appartenance géopolitique sur un nouveau terrain après la Syrie, l’Afghanistan, ou encore la Libye.

Elle a plaidé pour que le Mali ne devienne pas le nouveau terrain d’affrontement des puissances mondiales, demandant au Conseil de sécurité d’être non seulement à la hauteur de ses responsabilités mais surtout exemplaire.

«La terre malienne mérite mieux qu’être un terrain de règlements de comptes politiques. Ce n’est pas sur vos déclarations mais sur vos actes que vous serez jugés», a pointé du doigt la militante.

Réitérant que la démocratie malienne va mal et manque d’amis sincères, Mme DICKO a dénoncé le fait qu’au nom de la sacro-sainte stabilité, les puissances négocient des compromis qui fragilisent la démocratie déjà faible.

Pour elle, il y a urgence à garantir une plus grande transparence dans la vie publique et dans les relations que les membres du Conseil entretiennent avec le Mali.  Elle a dénoncé les solutions de financement de l’entreprenariat qui sont avant tout destinées à éviter les flux migratoires plutôt que de chercher à faciliter un réel développement économique et financier des personnes bénéficiaires.

«L’aide est aussi importante que ses conditions d’octroi», a-t-elle souligné.

Regrettant que l’enjeu de la gouvernance a été minimisé trop longtemps par ceux et celles qui prétendaient apporter la solution aux crises sahéliennes, Mme DICKO a dit qu’il est pourtant au cœur des défis au Mali.  Elle a constaté que l’on parle de ramener l’État dans les zones où il a été absent pendant des années et qui ont été reprises aux groupes dits djihadistes, mais que l’on ne s’interroge jamais sur la nature de l’État qu’on parle de réinstaller.

«Est-ce que faire revenir un État souvent vu par la jeunesse comme indifférent à son sort, voire perçu comme prédateur, est-il la solution? a demandé la militante.  Le Mali souffre d’un contrat social qui est rompu», a-t-elle rappelé en soulignant que le défi qui consiste surtout à transformer l’État et l’action publique pour qu’ils soient au service de l’ensemble des Maliens et des Maliennes.

Des puissances divisées sur la présence de Wagner

Dans son intervention, représentant de la France de l’ONU, Nicolas DE RIVIÈRE, a constaté que la situation dans notre pays est extrêmement préoccupante. Il a relevé que les autorités de la transition n’ont pas respecté leurs engagements. Regrettant l’absence de trajectoire réaliste de retour à l’ordre constitutionnel, il a dénoncé le rétrécissement de l’espace démocratique et dit soutenir pleinement tous les efforts de la CEDEAO pour obtenir le respect des engagements des autorités de transition et l’organisation dans des délais raisonnables des élections devant clore la période de transition.

Il a aussi regretté l’absence de progrès dans la mise en œuvre de l’accord de paix et l’absence de stratégie intégrée pour les régions du centre, qui laisse les populations en proie à l’insécurité et à la dégradation de la situation humanitaire.  En outre, de même que la CEDEAO, il a regretté profondément que les autorités de transition utilisent des fonds publics déjà limités pour rétribuer des mercenaires étrangers au lieu de soutenir les forces nationales et les services publics au bénéfice du peuple malien.

«La France et ses partenaires les plus proches ont fermement condamné le déploiement sur le territoire malien de mercenaires du groupe Wagner, connus pour menacer les civils, violer le droit international et la souveraineté des États», a-t-il déclaré.

Il s’est dit très préoccupé par les risques que fait courir le déploiement des mercenaires du groupe Wagner au bon accomplissement du mandat de la MINUSMA, rappelant être instruit à cet égard de l’expérience grave de la MINUSCA.

À son tour, Vassily A. NEBENZIA de la Fédération de Russie a déclaré que l’obligation de restituer l’ordre constitutionnel doit être mis en œuvre en tenant compte des réalités sur le terrain, lesquelles ont leur logique propre et nécessitent la mise en place de certains ajustements.

Évoquant les élections législatives, il a estimé qu’à moins de rétablir le contrôle de l’État dans de nombreuses régions du pays, les résultats du scrutin seront difficilement considérés comme fiables.  Et cela tracera une voie directe vers une autre instabilité politique comme cela s’est produit au Mali en 2020, a-t-il mis en garde.  Il a également affirmé que les ingérences extérieures « excessives » dans ces questions, « dont nous avons été témoins ces derniers mois », ne peuvent que compliquer la situation.

Il a noté que suite à la fermeture de certaines bases françaises dans le pays, les Maliens se retrouvent seuls et a estimé que les Maliens ont le droit d’interagir avec d’autres partenaires qui sont prêts à coopérer avec eux dans le domaine du renforcement de la sécurité.

«Critiquer de telles actions est fallacieux et irrespectueux face à un État souverain», a dénoncé le délégué.  De même, l’imposition de sanctions contre ce pays faisant déjà face à de nombreuses difficultés pourrait conduire à des conséquences fâcheuses.

Il a noté que suite à la fermeture de certaines bases françaises dans le pays, les Maliens se retrouvent seuls et a estimé que les Maliens ont le droit d’interagir avec d’autres partenaires qui sont prêts à coopérer avec eux dans le domaine du renforcement de la sécurité.  Critiquer de telles actions est fallacieux et irrespectueux face à un État souverain, a dénoncé le délégué.  De même, l’imposition de sanctions contre ce pays faisant déjà face à de nombreuses difficultés pourrait conduire à des conséquences fâcheuses.

Quant à la représentante des États unis, Mme Linda THOMAS-GREENFIELD, elle a décrié l’absence totale de volonté politique des autorités de transition maliennes en ce qui concerne la tenue des élections, les exhortant à tenir leur engagement de rétablir la démocratie.

«Une transition sur cinq ans n’est pas dans l’intérêt du peuple malien, a-t-elle martelé, insistant en outre sur l’importance de la participation des femmes.  La représentante a également appelé à réaliser des progrès concrets dans la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, notamment en ce qui concerne l’intégration des anciens combattants et la participation des groupes de la société civile dirigés par des femmes.

Mme THOMAS-GREENFIELD s’est ensuite préoccupée de la présence d’individus liés au groupe Wagner, y voyant une menace pour la MINUSMA et le peuple malien.  La MINUSMA mérite de savoir si ces soi-disant sous-traitants font partie de l’aide bilatérale officielle et, dans l’affirmative, ils doivent être tenus pour responsables par leur pays d’origine, a-t-elle dit.

Quant au délégué de la Chine, DAI BING, il a appelé la communauté internationale à appuyer les recommandations des Assises nationales de l’an dernier.  Il a insisté sur le fait que toute feuille de route doit respecter la volonté des Maliens.  Le représentant a dit prendre note des décisions de la CEDEAO et de la réaction du Mali, avant d’inviter les deux parties à trouver un terrain d’entente.  Il a appelé les forces qui sont hors de la région à se garder d’exercer des pressions sur le Mali, arguant qu’elles sont contre-productives.

Il est tout aussi important de poursuivre la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et d’avancer dans le cadre du DDR (désarmement, démobilisation et réintégration).

Le délégué chinois a rappelé que la MINUSMA est déployée dans un contexte très dangereux, comme en témoignent les 28 Casques bleus tués au Mali en 2021.

«Il faut donc assurer une bonne sécurité pour les soldats de la paix», a-t-il plaidé.

Issa KONFOUROU recadre

L’ambassadeur du Mali auprès des NU, M. Issa KONFOUROU, a rappelé que tout au long du mois de décembre 2021, les Maliennes et les Maliens, de l’intérieur comme de la diaspora, du niveau local à l’échelle nationale, ont procédé à un diagnostic sans complaisance des défis actuels du pays.

Selon lui, les recommandations pertinentes, issues de ces Assises nationales de la refondation, constitueront une nouvelle feuille de route du Gouvernement de transition.

Il a expliqué que le Gouvernement du Mali a immédiatement engagé des consultations avec la CEDEAO relativement au chronogramme de la Transition.

Cependant, a-t-il fait savoir, c’est avec stupéfaction que les autorités maliennes avons appris l’adoption de sanctions économiques et financières à l’encontre du Mali.

Pour lui, ces mesures contrastent avec les efforts du Gouvernement et sa disponibilité au dialogue en vue d’un compromis avec la CEDEAO.

« Le Gouvernement a condamné ces sanctions illégales et illégitimes prises par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et la CEDEAO, en violation flagrante des textes fondateurs de ces organisations, et en contradiction avec les principes de solidarité et l’idéal panafricain», a-t-il révélé.

« Je rappelle que concernant l’UEMOA, qu’un embargo décidé par les chefs d’État et de gouvernement, applicable à un État souverain, constitue une violation manifeste du Traité de l’UEMOA et des statuts de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).  En outre, le gel des avoirs d’un État, des entreprises publiques et parapubliques ne saurait être appliqué par la Banque centrale qui reste un organe indépendant auquel chaque État membre a concédé son droit souverain d’émission», a-t-il fustigé.

S’agissant de la CEDEAO, le représentant du Mali a cité plusieurs des mesures que le Gouvernement malien a dénoncées. Car, dit-il, elles ne sont fondées sur aucun texte communautaire. Il s’agit notamment de la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la CEDEAO et le Mali ; la suspension des transactions commerciales entre les pays de la CEDEAO et le Mali ; le gel des avoirs de la République du Mali dans les banques centrales de la CEDEAO ; le gel des avoirs de l’État malien et des entreprises publiques et parapubliques dans les banques commerciales des pays de la CEDEAO.

Sur le plan sécuritaire, M. KONFOUROU a assuré que le Gouvernement du Mali continue d’intensifier les efforts pour le recrutement, la formation et l’équipement des Forces de défense et de sécurité maliennes, en vue de renforcer leurs capacités opérationnelles.

De décembre 2021 à nos jours, a-t-il témoigné, les Forces de défense et de sécurité maliennes ont engagé une vaste offensive, notamment dans les régions du centre et du sud du Mali.  Au cours de ces opérations, a-t-il fait savoir, elles ont infligé de lourdes pertes aux groupes extrémistes, y compris des chefs terroristes.

Faisant le bilan de cette offensive des FAMa, a indiqué que plusieurs interpellations ont eu lieu et une quantité importante de matériels de guerre a été récupérée, a précisé le représentant.

De même, a-t-il rassuré, ces opérations vont se poursuivre et s’intensifier avec l’objectif ultime de rétablir l’autorité de l’État, des services administratifs et sociaux de base sur l’ensemble du territoire national et de protéger nos populations et leurs biens, a promis le délégué.  Il a ajouté que la stratégie du Gouvernement pour stabiliser durablement le pays porte également sur les opérations pacifiques de désarmement des éléments des groupes extrémistes.

M. KONFOUROU A ensuite répondu à une observation faite par certains membres du Conseil qui accusent le Gouvernement du Mali de recourir à une société de sécurité privée.

«Ceux qui entretiennent cette campagne de fausses informations savent pertinemment que le Mali n’a pris aucun engagement avec Wagner et qu’il n’y a aucun mercenaire présent sur le sol malien », a-t-il rétorqué.  Il a souhaité que soit mis fin à cette « campagne de désinformation » contre le Mali, soulignant que le pays n’est pas dans une logique de confrontation et reste ouvert à tous les partenaires qui souhaitent l’aider à relever ses multiples défis.

C’est dans ce cadre, a-t-il expliqué, que le Mali entretient une relation de coopération d’État à État avec la Russie et ce, depuis 1960.  Et c’est à la faveur de cette coopération « historique et dynamique » que des formateurs et instructeurs russes se trouvent actuellement au Mali pour conseiller et former les militaires maliens à l’utilisation du matériel acquis par le Mali auprès de la Fédération de Russie.

RASSEMBLÉS PAR MODIBO KONÉ

Source : Info-Matin