Révision constitutionnelle, situation sécuritaire, dialogue national inclusif, apaisement social…, ce sont là, entre autres, défis majeurs qu’attendent l’équipe Boubou Cissé.  Le nouveau gouvernement réussira-t-il là où les précédents ont échoué ? L’ouverture, symbolisée par l’entrée de trois opposants dans le gouvernement, suffira-t-elle à décrisper la situation politique ?

 

Si certains signaux sont au vert, et que cette ouverture constitue indéniablement un pas vers la décrispation politique, il ne faudra pas penser que cela suffise à résoudre les difficultés multiples du pays.

L’ouverture du gouvernement  à trois personnalités de l’opposition est jugée trop  timide, par ceux qui, au sein de l’opposition, ont décidé d’y rester. « Le problème n’est pas lié à l’ouverture ou à la fermeture du gouvernement à l’opposition. Le problème est lié au président IBK, lui-même, et à sa méthode de travail qui fait qu’aujourd’hui, nous sommes à un sixième Premier ministre en six ans, alors que la mise en œuvre de l’accord de paix devrait être déjà terminée», affirme Nouhoum Togo, porte-parole de  Front pour la sauvegarde de la démocratie  ( FSD).

L’Union pour la république et la démocratie (URD) du chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, n’a d’ailleurs pas souhaité entrer dans ce gouvernement. Pour le chef de file de l’opposition, la formation d’un gouvernement d’ouverture avec les représentants des différentes formations politiques de la place est secondaire face aux réels enjeux du pays et du moment. Les besoins actuels du pays sont : les reformes intentionnelles, des propositions concrètes pour  sortir de cette crise multidimensionnelle, trouver une meilleure formule pour réussir la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation tout en préservant l’intégrité territoriale…

 Modalité du dialogue national ?

En effet, si l’Accord politique conclu entre le gouvernement  et la classe politique a  permis la mise en place d’un gouvernement d’ouverture  et apporter une certaine accalmie sur le front politique. Plusieurs points clés de l’Accord risquent d’être des sujets de fortes crispations  notamment l’organisation du « dialogue national inclusif  ».

Aussi, l’idée d’un débat ouvert et large, impliquant tous les acteurs de la vie de la Nation, fait l’unanimité, les acteurs sont plutôt réticents au concept d’une « Conférence nationale » bis, qui deviendrait plus un exutoire où l’on exprimerait des humeurs qu’un cadre où l’on discuterait des solutions aux maux qui assaillent le Mali. « Il y aura un dialogue national inclusif qui n’occultera aucun problème du pays. Et il y a l’engagement que les conclusions de ce dialogue national seront mise en œuvre. Nous allons, ensemble, conduire des réformes institutionnelles et politiques dont ce pays a besoin pour conforter la démocratie et la République », avait assuré Tiebilé Dramé lors de la signature de Accord politique avec le premier ministre Boubou Cissé, le 3 mai dernier.

Ce dialogue doit, par contre, être mené de la « base la plus décentralisée au sommet », estime pour sa part le secrétaire général des  FARES-Ankawuli. Certes, les partis ont leur rôle à jouer dans l’animation de la vie politique, mais tous les citoyens n’appartiennent pas à ces regroupements. Or ce sont eux qui doivent être les principaux acteurs de la situation. C’est pourquoi, aux FARES-Ankawuli, on prône « un dialogue national refondateur », pour «  revisiter » notre système et nos pratiques démocratiques, qui ont montré leurs limites. Il faut  surtout nous ressourcer à partir de certaines de nos « valeurs sociétales », que nous n’aurions jamais dû abandonner, estime le responsable des FARES-Ankawuli.

La gravité et l’urgence des questions nécessitent un diagnostic commun, afin que les priorités dégagées à l’issue du dialogue national soient « une boussole » pour le peuple et les régimes successifs qui devront s’atteler à sa mise en œuvre.

Le préalable à ce dialogue est la restauration de la confiance entre la classe dirigeante et la population. Car les « Maliens n’ont plus confiance en la majorité de leurs institutions », indique Modibo Sidibé, président du parti Fare. Il estime que la participation à un gouvernement d’union n’est  pas la priorité.

Pour l’URD., principal parti de l’opposition, il faut s’entendre sur l’essentiel et tenir le dialogue sur les questions de réforme et de corruption, notamment. La mise en œuvre de ce dialogue, qui ne saurait être menée par une seule partie, justifiera alors l’entrée dans un gouvernement, selon  Iba N’Diaye, vice-président de l’URD. Sur la base  d’un contrat, au respect duquel « chacun veillera ».

Pour sa participation, l’URD se dit prêt, avec même des propositions dans les différents domaines, notamment les réformes nécessaires au sein de toutes les institutions.

Le parti, qui ne souscrit pas à la démarche entreprise pour la réforme constitutionnelle, adhère pourtant à son principe et espère même que les reproches faits au premier projet seront pris en compte pour la future mouture, dont la copie a été remise au chef de l’État le 1er avril par le comité d’experts.

Tenir des forums à la base afin de consulter le peuple, avant la tenue du forum national, c’est l’idéal, affirme M. N’Diaye. Mais un tel exercice demande une mise en place matérielle et surtout un délai qui « n’est pas en notre faveur ».  C’est pourquoi «  c’est tout cela qui doit faire l’objet d’accords », car nous en avons l’habitude de grande messe qui ne n’aboutisse à rein, déclare  Iba N’Diaye.

Mémé Sanogo

L’Aube