Quand une certaine cacophonie caractérise les préparatifs du dialogue politique inclusif attendu par tous, l’on se perd en appréhensions.

 

Il n’y aura pas de réformes institutionnelles sans un minimum de consensus politique à l’issue du dialogue politique. Et ces assises sont appelées de tous les vœux par la quasi-totalité de la classe politique.

Seulement, les acteurs politiques  ne semblent pas souffler dans la même trompette quant au contenu de ces discussions sur l’avenir politique, institutionnel et sécuritaire du pays. Quand le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé de l’URD et ses proches parlent des discussions« républicaines et démocratiques », Modibo Sidibé des FARE AnkaWili, Modibo Kadioké et leurs lieutenants insistent sur le caractère« refondateur » de ce dialogue national.

On pourrait comprendre là une certaine dissonance dans la posture de ces deux grands pôles politiques de l’opposition. Si les premiers espèrent que ces assises inter-maliennes permettront d’évaluer le parcours de la République et de sa jeune démocratie, les seconds n’hésiteraient à prôner une remise à plat des institutions de la République.

D’autres courants politiques comme le parti SADI d’Oumar Mariko, le RpDM de Dr Cheick Modibo Diarra, YELEMA de Moussa Mara ne rechignent pas à prôner clairement l’entrée dans une quatrième République et une certaine redistribution des cartes politico-institutionnelle du pays à travers des élections anticipées. Ces derniers acteurs pensent carrément à une rupture en vue de « refonder l’Etat malien », plus qu’éprouver la crise multidimensionnelle qu’il traverse depuis 2012. A ces partis politiques, la majorité présidentielle et spécifiquement le parti présidentiel devrait opposer une fin de non-recevoir. Car, prêcher la refonte des institutions équivaudrait à remettre en cause le pouvoir du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita. Le « coup d’Etat institutionnel » dont avait parlé Bokary Tréta en 2017 serait ainsi revenu au-devant de la scène. Et la fragile décrispation issue de l’Accord politique de gouvernance à la sauce Boubou Cissé pourrait alors être remis en cause. Ce qui peut aboutir à une nouvelle montée de la température politique du moment…

En outre, le dialogue politique inclusif en préparation semble enregistrer un certain quiproquo dans sa mouture. Qui en définira les termes de référence ? Quand est-ce que le président de la République va nommer la « personnalité indépendante » devant diriger ses travaux ? Quels rôles le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation joue dans la préparation de ces assises. Quid de la Commission des lois de l’Assemblée Nationale, qui, elle aussi se livre à des séances d’écoutes, comme dans le cadre de la procédure d’adoption d’un texte de loi ? Le président de cette Commission parlementaire, Me Zoumana N’Tji Doumbia est –t-il dans l’excès de zèle au point de marcher sur les plates-bandes du ministre Boubacar Alpha Bah dit Bill ?

Il s’en suit un véritable cafouillage qui n’augure rien de prometteur pour ce dialogue sur lequel un grand espoir est fondé pour poser les balises des chantiers majeurs de sortie de crise. Et ces chantiers sont ceux de la réforme institutionnelle, la question du mandat des députés, le découpage administratif, l’accélération de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, etc.

Par ailleurs, le dialogue politique inclusif doit clarifier la question de la légitimité de l’Assemblée Nationale, dont le mandat déjà prorogé arrivé à son terme le 30 juin tout proche. D’ici là, les ministres concernés doivent-ils saisir à nouveau la Cour constitutionnelle pour conduite à tenir ? Le gouvernement doit-il précipiter l’annonce d’un chronogramme des élections législatives ? Des questions se posent et ne trouvent pas encore de réponse satisfaisante.

Ce  sont ces faits qui poussent de nombreux observateurs à conclure que les ministres Boubacar Alpha Bah dit Bill (ADEMA-PASJ) de l’Administration territoriale et de la décentralisation et Amadou Thiam (annoncé comme « exclu de l’ADP-Maliba ») de la Réforme institutionnelle chargé du dialogue avec la société civile jouent leur survie politique dans les semaines et mois qui viennent.

Si le premier est au soir de sa carrière politique et peut miser sur son immense expérience, le second a tout à prouver et devrait, comme le disait, du reste, l’ambassadeur de France au Mali, Joël Meyer (« un jeune ministre qui a toutes les cartes pour réussir », déclarait le diplomate), capitaliser ses compétences et son sens de l’écoute pour convaincre et contribuer à sauver le Mali. Ce sera en réussissant ce pari ambitieux de relever institutionnelle le Maliba.

Bruno D SEGBEDJI

Mali Horizon