Depuis une semaine, une dispute entre deux dames de l’ambassade du Mali au Maroc ne cesse de prendre des proportions judicaires amplifiées. Pour bien comprendre les fourberies dans cette affaire qui oppose la femme du patron de tous les procureurs du Mali, Mme MFHD (agent comptable), à sa collègue Mme CBTT (3e conseillère de l’ambassade) et jetée dans les cachots par le procureur Coulibaly du tribunal de la Commune IV de Bamako pour « coups et blessures volontaires ayant occasionnés un arrêt de travail de 30 jours ».

La demande de liberté provisoire déposée par l’avocat de l’accusée a été enrôlée pour le 24 mars 2021, alors que la date du procès est fixée au 2 du même mois. Les observateurs voient dans cette décision du tribunal de la Commune IV une volonté manifeste de condamner d’avance la pauvre accusée privée de sa liberté depuis le 11 février dernier.

La gestion calamiteuse de cette banale affaire met à nu les carences de l’ambassadeur Mohamed Mahamoud Ben Labbat. A moins qu’il ne soit complice de la plaignante. De sources concordantes, les ambassadeurs sont le plus souvent de connivence avec les agents comptables sur le dos des autres diplomates dans nos chancelleries. En tout cas celui à Rabat n’a été capable d’anticiper sur les frustrations de l’accusée qui couvaient depuis de longs mois sous des cendres chaudes. Les mêmes observateurs reprochent au département de tutelle sa négligence et sa lenteur dans le règlement de ce conflit.

Les avocats de la 3e conseillère citent donc l’ambassadeur en tant que témoin au premier rang et le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale en tant qu’employeur des deux diplomates à témoigner sur les faits. Le témoignage de l’ambassadeur est surtout entendu sur le degré de gravités des blessures des deux côtés et surtout sur les 30 jours d’arrêts de travail de la plaignante. Ce que nient des témoins interrogés par nos soins. « Ce n’est pas vrai que l’altercation entre MFHD et CBTT ait occasionné des blessures ayant entraînées l’arrêt de travail de l’une d’entre elles. Je n’ai vu que des égratignures, donc pas de blessures handicapantes », avoue l’un d’eux. Et ils sont nombreux à se dire être surpris de cette tournure d’une « simple dispute » et d’autant plus que l’accusée a usé de tous les canaux possibles pour présenter ses excuses à la plaignante.

Coups et blessures selon le droit français

« Les auteurs d’actes de violence peuvent être sanctionnés sur le plan pénal et sur le plan civil. La sanction pénale est une peine d’amende ou d’emprisonnement, alors que la sanction civile consiste à réparer le préjudice causé à la victime. L’importance des sanctions dépend du caractère volontaire ou involontaire des actes, de la gravité des blessures, de l’âge et de la personnalité de la victime. La violence psychologique est autant sanctionnée que la violence physique », dit le droit français.

Ici, nous constatons que toutes les dames sont coupables dans la même proportion. Violence psychologique, l’agent comptable refusant ou retardant de mettre à disposition les équipements ou de rembourser les frais que la 3e conseillère a engagés en préfinançant certains équipements de base. Cela sans que l’ambassadeur ne daigne intervenir pour mettre l’agent comptable à sa place.

La violence physique est reprochée à l’accusée qui reconnaît avoir juste tapoté la joue de l’agent comptable avec l’enveloppe contenant son salaire avant que cette dernière ne l’attaque avec ses chaussures.

A. K. Dramé

 

 

Qu’est-ce qui s’est passé le 22 juillet 2020 à Rabat :

Mme CBT explique les faits et les frustrations qui les ont précédés

Les explications de Mme CBTT, prisonnière, sur les faits ayant précédé et même motivé, d’une certaine manière, l’incident du 22 juillet 2020.

« En septembre 2019, j’ai été nommée en qualité de 3e Conseiller à l’ambassade du Mali auprès du Royaume du Maroc. J’ai effectué ma prise de service le 15 décembre 2020 (cf. attestation de prise de service joint à la présente note) à Rabat et je suis retournée au Mali pour me préparer à rejoindre le poste.

À mon arrivée à Rabat pour prendre définitivement fonction en janvier 2020, j’ai trouvé que la résidence qui m’avait été attribuée n’était dotée d’aucun équipement de base. Il est à noter qu’avant de faire établir mes billets d’avions par l’agence de voyage, j’avais préalablement demandé et obtenu l’accord de Son Excellence Monsieur l’ambassadeur en précisant la date à laquelle je souhaitais arriver.

Les billets étant déjà établis et toutes les réservations confirmées pour un départ sur Rabat le 15 janvier 2020, Son Excellence Monsieur l’ambassadeur a envoyé au département un message FAX le 14 janvier 2020, me demandant de surseoir à mon voyage jusqu’à ce que les conditions soient réunies pour mon installation. L’annulation du voyage à cette date allait résulter pour moi au paiement de pénalités importantes pour les billets d’avion.

J’ai donc sollicité et obtenu de Son Excellence Monsieur l’ambassadeur l’autorisation de faire le voyage et de préfinancer sur fonds propre l’achat des équipements de base nécessaires en attendant que l’Etat ne mette les moyens à la disposition de l’ambassade pour ce faire. C’est ainsi que j’ai acheté les équipements de base dont copies des factures d’achats sont jointes à la présente note, pour un montant total de vingt-trois mille six cent vingt (23 620) Dirhams marocains soit un million quatre cent dix-sept mille deux cents (1 417 200 F CFA) à raison de 60 F CFA pour un Dirham marocain.

Ces achats ont porté essentiellement sur les équipements de base et mon installation qui n’était pas complète (pour preuve, j’ai dormi sur un matelas à une place puisque le seul matelas a deux places que j’avais trouvé dans la maison avait déjà été utilisé par trois précédents locataires et il est fortement amorti. Cependant, Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur m’avait régulièrement rassurée à travers les échanges que nous avons eu en me laissant entendre que cette situation serait régularisée dès que les moyens seraient mis à la disposition de l’Ambassade pour ce faire.

Après plusieurs mois, les fonds ont été envoyés pour équiper mon logement. J’ai eu les informations et reçu toutes les preuves nécessaires. A cette occasion d’ailleurs, l’Agent Comptable de l’Ambassade (SAC) m’avait fait un message SMS le 23 mai 2020 pour m’informer de l’arrivée effective des fonds et j’avais répondu en demandant de m’indiquer ce qu’il y a lieu de faire. Elle m’avait dit d’attendre la fin du « confinement pour raison de Covid-19 » qui devrait intervenir le 10 juin 2020. Mais cette date ayant été prorogée par les autorités marocaines, j’ai demandé à Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur de régulariser ma situation puisque les moyens ont été mis à la disposition de l’Ambassade pour ce faire depuis bien longtemps.

A ce niveau, je voudrais relever que tout au long de cette épreuve, j’ai régulièrement échangé avec Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur sur cette question d’équipement de mon logement. A titre d’exemple, le 12 juin 2020, j’ai demandé à Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur de permettre qu’après le confinement, je parte au Magasin avec l’Agent Comptable pour faire mon choix dans la mesure de l’enveloppe puisque le mandat est établi à mon nom.

Mais sans avoir été contactée pour aller au magasin avec l’Agent comptable, le samedi 20 juin 2020, lorsque j’étais en ville, ma fille restée à la maison m’a informé que le Chauffeur de l’Ambassade est venu pour une livraison d’équipements pour lesquels je n’avais pas été associée ni à l’achat ni informée de la livraison. Je n’ai donc pas accepté ces équipements car j’estime que l’avis de l’agent est indispensable dans le cadre de l’acquisition de ses équipements ne serait-ce que par l’expression des besoins.

A cette occasion, l’Agent Comptable (qui avait demandé au chauffeur de livrer ces équipements chez moi), ayant été informée par celui-ci de mon refus de les accepter lui avait dans un premier temps instruit de les « déposer devant ma porte dans la rue » avant de s’aviser pour le faire retourner et les reprendre.

Depuis lors (20 juin 2020) et jusqu’au jour de l’incident je n’avais toujours pas reçu les équipements nécessaires ni été remboursée du montant engagé dans le préfinancement des équipements malgré la disponibilité des fonds. Donc, j’avais en moi une frustration contenue du fait que mes droits les plus élémentaires étaient en train d’être refusés.

L’allocation de mon époux bloquée

Comme indiqué ci-haut, je suis arrivée au Maroc en janvier 2020 en compagnie de mon époux dont la présence a été marquée par une attestation dont copie jointe à la présente. Il a dû retourner au Mali le 15 février 2020 pour régler des affaires au niveau de la famille et il a été bloqué là-bas pour raison de COVID-19.

Ayant noté que depuis lors nous n’avons toujours pas perçu son allocation, je me suis renseignée informellement auprès de la DRH et j’ai ainsi eu la confirmation que les fonds y afférents ont été envoyés à l’Ambassade depuis le mois de mai 2020, pour le paiement de l’allocation de mon époux jusqu’en juillet 2020. Et jusqu’à la date de l’incident, le 22 juillet 2020, mon époux n’avait aucun paiement sur ces allocations.

A la suite de cette réaction de ma part, Son Excellence Monsieur le SEGAL a écrit à Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur l’instruisant que ces allocations soient payées au bénéficiaire (ci-joint, copie de la lettre du SEGAL).

Faisant suite à cette lettre, Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur nous a demandé de lui indiquer un compte bancaire au Maroc sur lequel ces fonds devraient être versés. Nous avons indiqué ce compte bancaire à Son Excellence depuis le 03 août 2020 à travers une procuration donnée par mon époux (cf. copie procuration ci-jointe) et nous attendons toujours à cette date, la confirmation du versement des fonds.

Je ne cherche pas à justifier ce qui s’est passé parce que je l’ai aussi regretté. Je m’en veux de n’avoir pas su me retenir comme je l’avais toujours fait. Et j’ai présenté, directement et par personnes interposées, à l’intéressée. Je suis surprise que je sois visée par une plainte pour blessures ayant entraîné 30 jours d’incapacité de travail alors qu’elle était à son bureau le lendemain de l’altercation.

Je me rends à Dieu et à la Justice de mon pays. Même si j’ai toutes les raisons d’être frustrée par l’instruction qui a été faite de ce dossier, je fais confiance à la justice de mon pays car convaincue que nous avons encore de nombreux magistrats capables de dire le droit quoi que cela puisse leur coûter » !

Mme CBTT

Source: Journal Mali Tribune