Un soleil nouveau se lève au Mali. A défaut d’être celui du changement tant espéré, il annonce l’avènement d’un nouvel ordre politique qui s’installera tout naturellement. La mort, qui est l’essence même de la vie, aura sévi, réduisant sensiblement la vue sur les possibles perspectives politiques dans les années à venir. De même, l’immixtion du militaire dans la chose politique brouille considérablement les pistes. A quoi pourrait ressembler le paysage politique malien dans les années à venir ? Qui en seront les principaux acteurs ? Et surtout, la question qui se murmure tout bas, des bruits de bottes raisonneront-ils dans les couloirs de Koulouba même après l’élection d’un nouveau président de la République ?

Cette dernière question vaut son pesant d’or car la junte au pouvoir aura pris le contrepied de ce qu’est réellement une Transition politique. En plus de vouloir s’octroyer un mandat présidentiel en ignorant toutes valeurs démocratiques, les militaires au pouvoir ont posé des actes radicaux qui engageront l’Etat du Mali de manière durable sur les plans diplomatique et militaire. Les forts sentiments de frustration quant à la non-amélioration des conditions de vie du Malien lambda ainsi que le désir fort d’en finir une bonne fois pour toute avec l’establishment politico-affairiste ont servi de tremplin au Colonel Assimi Goïta et à ses alliés. Forts de cela, c’est comme s’ils sont dotés d’une sorte de légitimité tout aussi valable que celle qu’aurait un pouvoir légalement élu. Et le fait qu’ils ne soient pas issus de l’«élite politique corrompue et incompétente » ajoute de la valeur à toute décision prise.

Car au sein de la masse populaire, plus encline à céder au feu de la passion qu’à la froideur de la raison, l’idée selon laquelle l’élite instruite avec une forte coloration politique est coupable du trou béant dans lequel se trouve le pays, est largement répandue. Elle, mais aussi l’ex puissance colonisatrice, qui aurait fomenté un complot international diabolique avec la complicité de ses alliés occidentaux, pour empêcher le Mali de jouir de ses immenses potentialités économiques. Ces deux idées servent de grain à moudre au pouvoir en place. Mais jusqu’à quand peut-on s’interroger ? Dans une certaine mesure, cela justifie leur désormais omni présence sur la scène politique, mais ne peut aucunement servir de motifs pour les faibles résultats engrangés, de manière générale, en matière de gouvernance.

Mais malgré cela, les militaires au pouvoir ont toujours le vent en poupe. Ont-ils pris gout pour le pouvoir pour autant ? Et ce, au point de ne pas vouloir le céder totalement ou partiellement, même après des élections générales ?

Une minorité de Maliens sceptiques pense qu’une telle idée n’est pas totalement saugrenue. D’autant plus que très peu d’éléments prouveraient, selon eux, leur réelle volonté de céder totalement le pouvoir. Dès le départ, ils auront tout fait pour rester au cœur du pouvoir avec la création d’un poste de vice-président qui pouvait prendre le pouvoir en cas d’empêchement du président de la Transition. Proposition très vite abandonnée sous la pression notamment de la CEDEAO. Mais ils n’hésitèrent pas à déposer celui qui était en place et son Premier ministre aussitôt qu’ils sentirent que leur influence diminuait. Cette fois, ils s’assumèrent de manière complète et définitive, et le poste de Président de la Transition est désormais occupé par Assimi Goïta, himself. Des principaux postes ministériels sont occupés par sa garde rapprochée, ainsi que d’autres postes clés tels que la présidence du CNT.

Qu’à cela ne tienne, des élections auront lieu tôt ou tard. La seule interrogation est l’avenir des militaires au pouvoir après qu’ils aient passé le tablier. Car ils ne seront plus des militaires ordinaires qui se plieront aux ordres de la hiérarchie et rentreront dans les rangs comme si de rien n’était.

Démissionneront-ils de l’institution militaire ? Se tiendront-ils en embuscade en cas de « nouvel écart » de la part du nouveau gouvernement élu ? Le prochain président de la République aura-t-il les mains totalement libres afin qu’il mette en œuvre sa vision de la gouvernance et non pas celle que la junte aura mis en place ? Des questions et toujours des interrogations qui plongent les analystes dans un certain pessimisme.

La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles…

Le leadership politique au Mali est devenu une denrée rare aujourd’hui. Et pour cause, le cycle tout naturel et générationnel de la politique suit son cours. Des poids lourds, en tirant leur révérence, auront laissé derrière eux un vide difficile à combler. Ils auraient été, sans doute, les favoris pour les prochaines élections présidentielles. Alors que pour d’autres, bien qu’étant au crépuscule de leur carrière politique, leur seule présence sur la scène était inspirante pour beaucoup.

Pour la première catégorie, il s’agit, entre autres, de Soumeylou Boubèye Maiga, alias le Tigre, qui malgré tout, aurait été un redoutable candidat à la prochaine joute présidentielle. Mais, la mort de Soumaila Cissé, ex chef de file de l’Opposition, qui aura été le coup de massue qui aura rendu hagard tout un pan de la politique malienne. Car à la faveur du coup d’Etat, beaucoup pensaient son heure enfin venue, et sa libération des mains de ses ravisseurs aurait été le départ de sa course à la conquête de Koulouba. La voie dégagée était royale pour celui qui s’était classé trois fois deuxième à la présidentielle. La quatrième aurait été certainement la bonne. C’était en ignorant totalement qu’autour du cou de tout mortel se trouve noué la corde de la mort et qu’elle peut se serrer de manière totalement abrupte, à tout moment.

De même, la mort des anciens présidents ATT et IBK sonnait comme la fin de la présence d’une génération dans les méandres du pouvoir. Derrière eux, ils auront laissé des parents politiques éplorés et sans repères. Pour tous ces illustres disparus, il est pertinent de se demander si leurs formations politiques survivront à leur mort. Est-ce que leur seule existence se nourrissait du charisme et de l’aura de leur chef ? C’est peut-être là le lieu de repenser l’ADN des partis politiques maliens.

Ahmed M. Thiam

Source: L’Alternance