En prélude à la prochaine présidentielle, près de trente candidats se sont déclarés dont une femme. Après cette ruée, ils semblent mesurer, au fil du temps, les nombreux défis à relever pour affronter la machine électorale du pouvoir en place.

Au départ, le contexte du désenchantement populaire et le discrédit du pouvoir à travers les médias et les réseaux sociaux leur avaient donné l’illusion que ce serait chose facile. Mais la mobilisation de la majorité présidentielle et le déploiement d’impressionnants moyens financiers semblent avoir sonné le réveil des prétendants. Après s’être mesurée avec le pouvoir dans la rue, une première fois à travers la marche interdite et dispersée du 2 juin, puis celle du 8 juin négociée par la MINUSMA et la représentation de l’Union Africaine, les opposants semblent avoir revu leur stratégie à la lumière des fissures constatées en leur sein.

Déjà la grande majorité des candidats avait décliné la proposition de marche unitaire formulée par la coalition pour le changement et l’alternance conduite par le chef de l’opposition officielle. Le risque de tout capitaliser à son seul profit a rendu méfiants les autres candidats. Sur la trentaine, seulement quatre y ont été vus. Si certains ont jugé prématuré d’engager dès à présent, une confrontation avec le pouvoir dans la rue, d’autres ont été plus critiques envers l’initiative, allant jusqu’à dénoncer la stratégie du chaos post-électoral préparé par la frange la plus radicale des opposants.

La marche n’a pas non plus contribué à regrouper les participants autour d’une candidature commune pour ceux qui y ont participé. Très rapidement, après la marche, chacun a repris son autonomie.

En ce qui concerne les candidats qui n’ont pas personnellement participé à la marche, même si une partie de leur base semble l’avoir fait, on assiste à une redistribution des cartes.

Alliances et mésalliances

La convention des bâtisseurs qui avaient annoncé le regroupement de sept candidats, semble être saisi par le démon de la scission. La raison fondamentale est l’impossibilité de se mettre d’accord sur une candidature unique, chacun des contractants espérant en vain le désistement des autres en sa faveur. Devant l’impasse, le service minimum annoncé, consistera à soutenir au second tour, le candidat le mieux placé de ladite convention.

Un des membres de la coalition, en la personne de Moussa Mara, a fini par annoncer le retrait de sa candidature au profit du candidat Cheick Modibo Diarra qui a refusé d’adhérer à la convention des bâtisseurs. Un autre candidat, Konimba Sidibé du parti MODEC (Mouvement pour un Destin Commun) a, lui aussi, annoncé le retrait de sa candidature au profit du même Cheick Modibo Diarra. Ce qui a donné naissance à une nouvelle coalition tripartite. Oumar Mariko du Sadi et Soumana Sacko du Front Populaire ont décliné l’invitation à la rejoindre.

Les jeux semblent loin d’être faits en ce qui concerne le contour des coalitions. Il faudrait attendre jusqu’au dernier moment.

L’argent rentre en jeu

L’autre facteur qui risque de faire imploser les coalitions est la question du parrainage de candidature. Les élus aussi bien les députés que ceux des communes font monter les enchères. Les montants demandés semblent être de l’ordre de cinq millions de franc CFA pour les élus communaux et dix millions pour les députés. Le drame est que, même à l’intérieur de la même coalition, on ne se fait point de cadeaux. Cela donne à réfléchir en ce qui concerne la consistance des coalitions.

Le tri par l’argent se fera au détriment des candidats qui n’ont pas les moyens financiers de leur ambition. Par ailleurs, les grands partis semblent avoir donné des consignes à leurs élus afin de refuser de parrainer certains candidats. Cela finira vraisemblablement, par décider certains à jeter l’éponge avant la clôture officielle des candidatures par la cour constitutionnelle, le 29 Juin prochain. Il est évident que l’éparpillement des candidatures favorise le candidat du pouvoir.

L’autre dimension à prendre en compte, est la faiblesse d’une opposition structurée en dehors de la capitale. Les pouvoirs africains sont généralement impopulaires dans la capitale mais cela ne les empêche pas de gagner les élections. Généralement les électeurs se mobilisent peu à Bamako, sauf surprise, rarement au-delà de 30%. C’est donc à l’intérieur que le pouvoir fait le plein. Si l’opposition fait beaucoup de bruit dans la capitale, elle est peu compétitive dans les campagnes, face au candidat du pouvoir qui bénéficie du soutien de l’appareil administratif local de l’Etat et des cercles de pouvoirs locaux et d’influence. Ce qui lui permet de faire la différence.

L’absence de mutualisation des forces pour mieux encadrer les bureaux de vote, au nombre de 23.000 à l’échelle du pays, constitue un autre défi à relever. Il est évident que cela est loin d’être à la portée d’un seul candidat. Et c’est de là que sortira la victoire. En continuant d’emboucher la trompette dans la presse et au niveau des réseaux sociaux sans faire ce travail de maillage des bureaux de vote surtout à l’intérieur du pays, les opposants risquent de rater le coche. Il est évident que la question de l’insécurité jouera en leur défaveur dans certaines zones à risque. Mais le plus difficile est de trouver des militants suffisamment convaincus pour s’y risquer. Malheureusement c’est l’argent qui prime à ce niveau. Ce qui permettra sans doute au pouvoir d’en acheter, là où il le faut.

 

Source: mondafrique