Depuis le 25 juillet 2018, les deux syndicats de la magistrature au Mali (le Syndicat autonome de la magistrature (SAM) et le Syndicat libre de la magistrature (SYLIMA)) sont en grève illimitée sur toute l’étendue du territoire national. Pour contrer la grève, le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga a pris le décret 2018- 0773/PM-RM du 09 octobre 2018, portant réquisition temporaire des Magistrats en grève. Furieux de cette attitude du premier ministre, les magistrats grévistes ont introduit, hier lundi 15 octobre 2018, une requête auprès de la Cour suprême du Mali pour demander l’annulation pure et simple dudit décret pour excès de pouvoir. Selon les magistrats en grève, le décret du premier ministre viole les règles régissant le pouvoir judiciaire, notamment les articles 81 et 82 de la Constitution du 25 février 1992.

Hier, les magistrats en grève ont introduit une requête aux fins d’annulation du décret 2018-0773/Pm-Rm du 09 octobre 2018, portant réquisition temporaire des  magistrats en grève. « A Messieurs le président et conseillers composant la section administrative de la cour suprême du Mali ; Le SAM et le SYLIMA, représentés par leurs Présidents respectifs : Aliou Badara NANACASSE, Président par intérim du SAM, Magistrat en service à la Cour Suprême du Mali et Hady Macky SALL, Président du SYLIMA, Magistrat en service à la Direction Nationale de l’Administration de la justice, ayant tous deux élus domicile au siège du SAM sis à Banankabougou contigu à la Cour d’Appel de Bamako pour les circonstances de la présente procédure et ses suites contre le Décret n° 2018-0773/PM-RM du 09 octobre 2018, portant réquisition  temporaire des Magistrats en grève », c’est en substance ce qui ressort de la requête des magistrats grévistes. Avant de demander à la Cour suprême de censurer le décret du premier ministre qui, selon eux, est une énième tentative du pouvoir exécutif de saper l’indépendance du pouvoir judiciaire par des moyens peu orthodoxes. Aux dires des magistrats, en droit, le PM, Soumeylou B Maïga est incompétent à réquisitionner les magistrats en République du Mali. A les en croire, le premier ministre n’a préalablement requis aucun avis du Conseil Supérieur de la magistrature dont il n’est d’ailleurs même pas membre et ce, disent-ils, au mépris de l’article 82 de la Constitution sus visée. « En décidant de passer outre cette formalité indispensable, le Premier Ministre viole immanquablement les principes juridiques fondamentaux de la séparation des pouvoirs se rendant du coup coupable d’un excès de pouvoir qui expose son acte à la censure du juge de la légalité », indique la requête des magistrats. Par ailleurs, les syndicats de magistrats ont précisé que le défaut de préavis opposé aux syndicats est inopérant car selon eux, un préavis de grève avait été déposé sur la table du gouvernement qui mentionne bien « la transformation de ladite en grève illimitée, au besoin ». Les deux syndicats persistent et signet que le décret contesté manque de base légale et mérite la censure de la Cour de céans. Aux dires des magistrats grévistes, il sied de déclarer le décret attaqué illégal pour être calqué sur une loi elle-même illégale pour défaut de décret d’application. En outre, les magistrats ont souligné que le service minimum est bel et bien observé par le corps de magistrats durant cette grève illimitée. « Sur le prétendu non-respect du service minimum, Considérant qu’en ce qui concerne le service minimum pour les services de la justice, il est assuré par le Premier Président, les Présidents de sections et des chambres et deux conseillers de la Cour suprême ; le Premier Président, les Présidents de sections et des chambres et deux conseillers des Cours d’appels ; les Procureurs généraux et Avocats généraux de la Cour suprême et Cours d’appel ; les Présidents et vice-présidents des Tribunaux de Premières Instances et JPCE ; les Procureurs de la République ; les greffiers. Qu’en application de cette disposition, tous les chefs de services sus désignés travaillaient comme dit. Ce qui dénote, si besoin en était, du respect du service minimum légal. Il ne peut en être autrement », ont déclaré les magistrats. En outre, les syndicalistes poursuit en disant « que le Décret contesté met les Magistrats maliens dans cette obligation juridique de désobéissance en vertu de la séparation des pouvoirs au regard de l’article 81 de la Constitution du 25 février 1992 du Mali et de l’incompétence de son auteur…Nous sollicitions qu’il plaise à la Cour de céans d’annuler purement et simplement le Décret 2018-0773/PM-RM du 09 octobre 2018, portant réquisition temporaire des Magistrats en grève, pour excès de pouvoir ; Et ce serait justice».

Les magistrats refusent la réquisition

On se rappelle que lors de leur assemblée générale extraordinaire tenue le 10 octobre 2018 à la Cour d’appel de Bamako, les magistrats les magistrats ont adopté une Résolution invitant les magistrats requis, à refuser de se soumettre à la décision illégale du Gouvernement de la République du Mali tendant à cette fin. « l’Assemblée générale extraordinaire engage les Syndicats de Magistrats à saisir l’Organisation Internationale du Travail (OIT), face aux atteintes graves et intolérables, par le Gouvernement de la République du Mali, à l’exercice de la liberté syndicale et au droit de grève ; Elle engage de même les deux syndicats à saisir les instances juridictionnelles nationales et internationales pour : Récuser le Président de la Cour Suprême du Mali dans la conduite des procédures à venir qui opposeront les syndicats de magistrats au Gouvernement de la République ; Surseoir à l’exécution du Décret illégal du Gouvernement de la République tendant à réquisitionner les magistrats ; Poursuivre l’annulation dudit Décret », précise la Résolution. En outre, l’Assemblée générale exige la démission de Soumeylou Boubèye MAIGA, Tiénan COULIBALY et Mme DIARRA Racky TALLA de leurs fonctions respectivement de Premier ministre, de Ministre de la Justice et de Ministre de la Fonction Publique et de porter plainte contre eux pour haute trahison et pour complot contre la sûreté de l’Etat conformément aux dispositions de l’article 95 de la Constitution du Mali du 25 février1992). L’Assemblée générale exige la démission de Nouhoum Tapily de ses fonctions de Président de la Cour Suprême et engage les syndicats à porter plainte contre lui pour forfaiture et violation de son serment. « Elle constate le silence de Monsieur le Président de la République, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, Garant Constitutionnel de l’indépendance de la Magistrature, face aux graves atteintes par les membres du Gouvernement susnommés à l’indépendance du Pouvoir Judiciaire. Elle décide enfin du maintien du mot d’ordre de grève jusqu’à l’aboutissement des revendications légitimes de la corporation », conclu la Résolution.

Aguibou Sogodogo

SourceLerepublicainmali