Dans une interview accordée à la télévision nationale, ORTM, le premier ministre de la transition, comme à son habitude, a fait feu de tout bois. Il s’est vertement attaqué à la France, il s’est ensuite prononcé sur les sanctions économiques et financières infligées au Mali par la CEDEAO et l’UEMOA. Il n’a pas maché ses mots et a pointé un doigt accusateur sur la France comme étant celle qui est à la base de ces sanctions. Le PM s’est beaucoup appesanti sur les relations de plus en plus détestables entre les autorités maliennes et la France.

Sans détour, il pose aujourd’hui la problématique du maintien d’une présence militaire française et européenne dans son pays. Même si l’option d’un retrait n’est politiquement pas aisée, entre la campagne présidentielle et l’Union européenne, la France semble agacée par les propos des autorités maliennes et elle parait tout de même engager, malgré tout au Mali. Assiste -t-on véritablement à la fin de l’hégémonie française au Mali ? le PM, le bras politique de la junte, n’en fait-il pas trop quand on sait les conséquences d’une rupture totale avec la France ? N’est-il pas temps d’adoucir les positions pour éviter des situations catastrophiques au Mali ?
Ce n’est un secret pour personne, que les autorités de la transition au Mali ont fait le choix de tourner le dos à la France et d’opter pour la Russie et d’autres partenaires. Ce genre de choix qui relève de la souveraineté de tout Etat, semble mettre le Mali dans une situation de ni paix ni guerre avec la France. Une situation peu enviable aux conséquences graves pour les deux pays, tant les intérêts sont liés. Après avoir engagé une lutte sans merci contre la France et ses sbires de la CEDEAO, les autorités de la transition ne comptent plus s’arrêter en si bon chemin pour réduire la France à sa plus simple expression. Le Maitre d’œuvre de ce projet est sans nul doute le PM Choguel K Maïga, qui ne manque aucune occasion pour enfoncer davantage la France. Dans une interview accordée à la Télévision Nationale, l’ORTM, le PM a fustigé le comportement de la France et dénoncé sans ambages les accords militaires signés entre le Mali et la France, qui, à son humble avis doivent être relu pour qu’ils soient équilibrés. Le PM Choguel pense avec force conviction que les sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA ont été téléguidées par des forces extra sous régionales. Le Mali a-t-il réellement quelque chose à gagner dans cette guerre avec la France ? Après le temps du défoulement, doit venir maintenant celui de la raison, tout en mesurant les conséquences d’un bras de fer.
Le peuple peut souvent par naïveté applaudir un discours populiste ou va-t-en guerre ou encore soutenir une action, mais la réalité se trouve ailleurs. Il n’y aura certainement pas de rupture définitive mais plutôt momentanée avec les voisins ou même avec l’occident. Mettons cette crise à l’actif de l’affirmation d’une souveraineté mis en mal pendant des décennies par les différents régimes qui se sont succédés au pouvoir au Mali. Les autorités actuelles de la transition veulent juste montrer à la France et aux pays de la CEDEAO que le Mali est un Etat souverain et qu’il peut prendre toutes décisions sans faire recours à qui que ce soit.
Dans son interview, le premier ministre malien a fait véritablement le procès de la France. Il a d’abord fait la genèse de l’intervention française au Mali avant de déplorer son échec. Selon lui, quand l’opération serval venait au Mali, elle avait trois objectifs : détruire le terrorisme, aider à restaurer l’intégrité du territoire malien et l’application des résolutions des Nations Unies. Alors on constate que depuis l’arrivée des troupes française au Mali la situation ne fait que s’empirer au lieu de s’améliorer. C’est fort de ce constat que les autorités de la transition ont pris leur courage à deux mains pour dire non au dictat de la France et ses alliés. Si Pour Choguel les autorités maliennes n’ont pas formellement demandé aux troupes françaises et européennes de partir, force est de constater qu’elles multiplient des messages d’hostilité, juste pour exprimer un sentiment désolant, c’est d’ailleurs le pourquoi des manifestations massives contre les sanctions ouest-africaines. Elles ont été organisées vendredi à travers le Mali et à l’appel des autorités. Le Premier ministre de transition Choguel Kokala Maïga a également dénoncé dimanche sur la chaine nationale l’instrumentalisation des organisations ouest-africaines par la France “pour régler d’autres comptes”. Choguel K Maïga remet enfin en cause des accords de défense qui lient Paris et Bamako d’où la nécessité de relire ces accords déséquilibrés qui font du Mali un Etat qui ne peut même pas survoler son territoire sans autorisation de la France, a-t-il martelé. Pour le PM on ne peut pas aider les gens sans leur volonté, les Maliens n’ont pas demandé la résiliation des accords, mais de simples amendements a-t-il conclu.
En définitive, le Mali est à la croisée des chemins, il joue son avenir, donc tous les paramètres doivent être scrutés à la loupe pour éviter toutes situations désastreuses. L’heure est venue de se rendre à l’évidence et d’éviter à ce peuple déjà éprouvé toute autre situation chaotique.
Assitan Diakité

Nous consacrons cette rubrique à Aminata Dramane Traoré
Une femme politique et écrivain malienne, femme de culture et de tradition. Combattante pour un développement dynamique au Mali, en Afrique et dans le reste du monde. Alter mondialiste, voici en quelques lignes son portrait.
Aminata est née le 26 juillet 1947 à Bamako dans une famille modeste de douze enfants, Aminata Traoré a fréquenté l’école Maginot. Elle a étudié en France à l’université de CAEN. Elle est titulaire d’un doctorat de 3e cycle en psychologie sociale et un diplôme de psychopathologie. Chercheuse en sciences sociales, elle a enseigné à l’institut d’ethnosociologie de l’université d’Abidjan (Côte d’ivoire) et travaillé pour plusieurs organisations régionales et internationales. Nommée ministre malienne de la culture et tourisme sous la présidence d’Alpha Oumar Konaré entre 1997 et 2000, elle a démissionné pour ne plus être tenue de son devoir de réserve. Aminata Dramane est aussi chef d’entreprise à Bamako. Elle est propriétaire d’un restaurant-galerie de luxe, le Santoro, et d’une maison d’hôtes pour touristes, le Djenné, qu’elle a fait construire avec des matériaux locaux. Militante altermondialiste, elle s’est engagée dans le combat contre le libéralisme, qu’elle considère comme responsable du maintien de la pauvreté au Mali et en Afrique en général. Aminata Dramane Traoré souhaite que les États africains cessent de suivre les injonctions des pays occidentaux qui se traduisent par « les plans et programmes des banquiers internationaux et des grandes puissances du Nord » et qui conduisent à la pauvreté des populations et engendrent les phénomènes de violence et l’émigration vers l’Europe d’une grande partie de la jeunesse désabusée. Elle demande aux gouvernants africains de réagir face au néocolonialisme. Aminata Dramane Traoré a pris position en faveur du président zimbabwéen Robert Mugabe dans la gestion de son pays, considérant que ce qu’on reproche au dictateur (la faillite de l’économie, le non-respect des droits de l’Homme, l’appauvrissement de la population) serait dû en grande partie à la politique menée par l’ancienne puissance coloniale, le Royaume-Uni, et au non-respect de ses engagements. Elle renvoie les « donneurs de leçons », c’est-à-dire selon elle les pays “occidentaux”, à leurs propres manquements (guerre contre l’Irak, crise économique, politique migratoire…) Elle coordonne les activités du Forum pour un autre Mali et était responsable de l’organisation du troisième volet à Bamako du Forum social mondial polycentrique de 2006. En mai 2018, elle participe à la conférence internationale « Bandung du Nord », organisée par le De colonial International Network afin de « questionner la mémoire coloniale. En janvier 2020, Aminata Dramane Traoré et une cinquantaine d’intellectuels publient une déclaration demandant l’ouverture d’un débat «populaire et inclusif» sur la réforme du Franc CFA en cours et rappelant que «la question de la monnaie est fondamentalement politique et que la réponse ne peut être principalement technique». Aminata est auteur de plusieurs livres. En 1999, elle publie l’Etau, un essai dénonçant la politique des institutions de Breton Wood (Fonds monétaire international, Banque mondiale) qui imposent la mise en place de plans d’ajustement structurel qui ne font qu’appauvrir les populations africaines. En 2002, dans le Viol de l’imaginaire, elle dénonce les mécanismes privant l’Afrique de ses ressources financières, naturelles et humaines. En 2005, elle publie une Lettre au président des Français à propos de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique en général où elle analyse les crises africaines dans le « pré carré français » à la lumière de la mondialisation libérale. En 2008, elle publie l’Afrique humiliée où elle critique vivement le discours jugé raciste et néocolonialiste de Nicolas Sarkozy à Dakar en juillet 2007. Aminata Dramane Traoré est apparue dans une scène cinématographique, jouant son propre rôle en qualité de « témoin », dans le film Bamako d’Abderrahmane Sissako. Elle est récipiendaire des distinctions suivantes: Ciwara d’excellence (1995),Prix du Prince Claus de la Culture (Pays-Bas) en 2004, Chevalier (1996), officier (2006) puis commandeur de l’ordre national du Mali (2008).
Oumou Sissoko

 

Source: L’Alternance