Moussa Badjè Doumbia, 30 ans, étudiant-chercheur en Géopolitique (Paris)

 

 

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«Le duo IBK-Mara n’a pas marché» 

Quel commentaire faites-vous de cette première année ?

Le Mali n’est pas tiré d’affaires. Nous utilisons les mêmes ingrédients en espérant avoir une nouvelle recette. Les mêmes pratiques sont recensées au sommet de l’Etat. En quelques mois, les priorités sont devenues secondaires. Nous avons modifié de façon consciente ou inconsciente la cause profonde de la crise actuelle.

Le noyau du pouvoir est putride, mais on s’en tient à le peaufiner et à le faire briller. Les hommes politiques ne souhaitent pas le pouvoir pour améliorer la situation du pays, mais pour assouvir des objectifs personnels. La situation actuelle du parti au pouvoir en dit long, notamment les tensions qui règnent entre le président et les ténors de son parti.

 

Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

Le programme de campagne du président de la République avait été annoncé à grand renfort de slogans. « Pour l’honneur du Mali » est ironiquement devenu «pour le déshonneur du Mali», depuis le déboire militaire à Kidal, au mois de mai, quelles qu’en soient les conditions. Même chose, depuis le crash de l’avion AIR ALGERIE à GOSSI, où le président n’a pas été capable de se rendre. « Pour l’avenir des jeunes » : sur les affiches de campagne, on voyait le président poser avec des jeunes qu’on pouvait facilement imaginer élèves et étudiants modernes. Aujourd’hui, l’école malienne continue de sombrer dans le marasme au même rythme que le Mali entier. C’est le désespoir, sans qu’aucune politique concrète de sortie de crise ne soit mise en place. Ce qui n’a pas marché est également le duo IBK-Mara. J’avais espoir que les programmes du candidat Mara et IBK seraient complémentaires pour le bien du pays. À Paris, en automne 2013, lors de la campagne présidentielle, j’avais posé la question suivante au candidat Mara : «Comment le Mali va-t-il gérer la réinsertion des futurs-anciens combattants des groupes armés, car nous savons que ceci sera l’une des conditions sine-qua-none à toute négociation ?» Sa réponse avait été : «il est vrai que le Mali n’aura d’autre choix que de les réinsérer dans l’armée malienne, mais il faut veiller à ce que ces individus ne soient pas affectés à des localités leur permettant de retourner facilement leurs vestes.» Un autre cheval de bataille pour Moussa Mara était la lutte contre les conditions d’acquisition des terrains au Mali. Sur ce point, il disait que, selon la loi malienne, «la Terre ne se vend pas, mais se donne». Ce qui permet aux maires de spéculer librement sur le prix des terrains. Il est regrettable de voir qu’aucune décision n’a été prise dans ce sens.

 

Que faut-il faire pour que le Mali avance ?

Pour que le Mali avance, il faut être clair avec les arrivistes qui prennent les peuples du nord en otages pour des motifs inavouables. Eux-mêmes sont les victimes inconscientes des enjeux géoéconomiques liés aux territoires du Nord malien. Il faut faire le bilan et l’audit de l’ensemble des projets de développement mis en œuvre au Nord depuis 20 ans, et faire une comparaison avec ceux concernant les autres régions du Mali. Il n’y a pas que le Nord qui est sous-développé, le Mali est, en lui-même, un pays sous-développé, en voie de développement. C’est une démagogie instaurée par ceux qui nous empêchent de nous développer. Si l’on veut le développement du pays, il faut que nous proposions un plan de développement général, et non un plan de scission. La manne investie dans l’armement des groupes armés aurait sans doute été utile dans d’autres secteurs pour le développement du nord en particulier, et du Mali en général. Par ailleurs, on doit réduire considérablement le salaire des ministres et les hauts fonctionnaires. N’oublions pas que nous avons une économie sous perfusion. Le budget national est en effet financé à près de 40% par les aides internationales au développement. L’Etat doit revoir les différents contrats signés avec les multinationales au Mali. Nous devons avoir plus de poids dans l’extraction et la commercialisation de nos ressources minières. Notre pourcentage dans ces domaines doit être augmenté. Je pense que nous devons réduire le nombre de fauteuils ministériels, car dans la situation actuelle du pays, nous devons nous consacrer à l’essentiel. Cet essentiel se définit par les éléments suivants : l’éducation, la santé, autosuffisance alimentaire et la réforme militaire. Je crois qu’au Mali nous devons accepter de vivre dans des conditions difficiles pour préparer un avenir meilleur pour les futures générations, sinon nous leur léguerons un pays amer et invivable. Si l’on poursuit les politiques actuelles, le Mali deviendra un pays fantôme, vidé de son peuple, chassé par la faim et le désespoir.

Nous avons un président qui n’est pas maître de ses émotions et le gaspillage est au top»

Quel commentaire faites-vous de cette première année?

Même si IBK n’est qu’au début de son mandat, je crois qu’après une année au pouvoir, nous pouvons déjà faire un bilan. Lorsqu’il y a un an, les électeurs maliens sont sortis massivement pour le porter à Koulouba avec plus de 77% des voix, ils ont placé leurs espoirs en l’homme qu’ils jugeaient capable de rompre avec les vieilles pratiques, de relever la dignité bafouée du peuple et d’être la locomotive qui relancerait le pays sur les rails. Depuis une année, les slogans électoraux tombent petit à petit aux oubliettes. Tout ce qui a été promis pendant la campagne semble loin de se réaliser dans la vie pratique. Certains diront que ce n’est que le début, mais il est à souligner que les premiers pas guident les autres. Nous avons aussi constaté une incohérence notoire au sommet de l’Etat malien qui fait penser à l’absence de tout programme de sortie de crise. Il y a bien des décisions contradictoires qui se prennent et qui trahissent les attentes des Maliens. De plus en plus de voix murmurent leur déception quant à la gestion faite dans le pays. La crise au nord n’est pas encore résolue. Visiblement, la fougue du président a baissé d’un cran sur le dossier de la rébellion. L’insécurité dans les villes prend de l’ampleur. Les prix des denrées alimentaires grimpent et le pouvoir d’achat chute. Partant de là, pour survivre, la corruption est généralisée, sans même évoquer les retards et l’absentéisme dans l’administration malienne. En bref, rien n’a changé pour le moment. J’ose dire que beaucoup de Maliens regrettent déjà le choix qu’ils ont fait. Le bilan n’est pas brillant, pour ne pas dire que l’échec est remarquable sur beaucoup de plans. Elémentairement, Bamako baigne partout aujourd’hui dans des tas d’ordures qui sont la source de beaucoup de maladies infectieuses. Personne ne s’en soucie. On a l’impression que le pouvoir est dépassé par l’ampleur des tâches. Souhaitons que le changement prôné vienne lors de la deuxième année du mandat d’IBK. Mieux vaut tard que jamais !

Qu’est-ce qui n’a pas marché pendant cette première année selon vous ?

Sans nul doute IBK a commis des erreurs, même trop en une année. Si son entourage n’a pas le courage d’en parler, nous les lui rappelons. Juste après son élection, le président avait déclaré qu’il n’y aurait pas de partage du gâteau. La nomination de ses proches parents à des postes «juteux» fait penser que tout le gâteau revient à la famille, à un cercle beaucoup plus restreint. Ceci a provoqué la méfiance des Maliens qui avaient observé la même chose par le passé. Oumar Tatam Ly, l’ex-Premier ministre qui semblait maîtriser la situation, a fini par jeter le manche après la cognée parce qu’il était en désaccord avec l’entourage du président sur certaines choses qu’il voulait changer. Son départ, à mon avis, signifie l’incapacité ou peut-être le manque de volonté d’IBK d’opérer des changements positifs dans la gestion des affaires. Il a commis l’erreur de s’être laissé entraîner par son entourage. C’est pareil avec l’actuel PM, Moussa Mara, que l’on veut à tout prix abattre politiquement pour occuper sa place. Le problème n’est pas de changer de PM tous les six mois, mais d’adopter une autre politique. Cette politique, c’est IBK lui-même. En premier lieu, il se doit de changer ses approches. Ensuite, nous avons vu des déclarations tapageuses dans les médias sans pour autant bien en mesurer la portée politique pour le pays, même des accusations contre l’opposition, alors que celle-ci peut apporter sa brique à l’édification nationale, en respectant les règles démocratiques. Les sorties non modérées font que le président se fait fermer assez de portes de secours, et qu’il risque de ne se retrouver qu’avec son entourage qui lui chante des dithyrambes dans des buts purement personnels. Nous avons vu aussi un président qui n’est pas maître de ses émotions : de ses larmes coulées aux USA devant les Maliens, en passant par ses diatribes au Maroc contre l’opposition, ou par sa sortie scandaleuse à Addis-Abeba. D’ailleurs, son ministre de l’économie numérique a parachevé son «œuvre» en traitant les Maliens «d’aigris» au sujet du dossier de l’achat de l’avion présidentiel, qui a été l’une des plus grosses maladresses d’IBK si nous tenons compte du fait que le pays en dispose déjà, et que les forces armées maliennes n’ont aucun hélicoptère pour assurer, ne serait-ce que de peu, la défense du Mali ! Les multiples voyages du président à l’extérieur (il détient actuellement le record mondial), les sommes colossales dépensées dans la rénovation de sa villa privée à Sébénicoro, ou de Koulouba, le mutisme devant les inondations et autres catastrophes ou tragédies qui ont frappé le Mali, les contrats sulfureux sur l’achat d’armements ou sur l’installation de fibre optique. Tout cela a laissé les Maliens perplexes. Le gaspillage a été au top. Au lieu de la lutte promise contre la pauvreté, le président étale un mode de vie luxueux. Parmi les erreurs d’IBK, on peut aussi dire qu’il s’attaque dangereusement à la laïcité de l’Etat. Qu’il prie cinq fois par jour, qu’il aille à la mosquée le vendredi ou pendant les fêtes, cela se comprend. Mais c’est tout autre chose lorsqu’il truffe ses discours de sourates. Aucun autre président malien ne l’a fait avant lui. Le président d’un Etat laïc, à mon avis, doit rester neutre dans ses sorties officielles. IBK lui-même ne cesse de dire que la laïcité du Mali est l’un des points non négociables. Il est paradoxal de tenir des discours truffés de sourates tout en prônant la laïcité de l’Etat. Enfin, il semble que nous ayons un président qui n’écoute que son petit cercle, qui supporte mal les critiques sur sa personne, ou sur ses agissements. Quand il répond à ses détracteurs, c’est avec une colère ou des rancunes à peine voilées. C’est regrettable de le constater, mais jamais un président qui avait entre les mains autant d’atouts, ne les a grillés en si peu de temps !

Que faut-il faire pour que le Mali avance ?

Evidemment les solutions, c’est l’abandon de tous les points négatifs déjà cités plus haut. Il n’est jamais trop tard pour bien faire, à condition que nous en ayons la volonté. Nous ne sommes pas des ennemis, c’est la raison d’ailleurs pour laquelle nous donnons nos avis dans l’espoir que des conclusions en seront tirées. IBK devrait revoir les éléments qui composent son entourage actuel, qui sont plus préoccupés par des guerres de succession ou de positionnement qu’à faire face aux problèmes du pays. L’incompétence de certains n’est plus à démontrer. IBK devrait se mettre à l’écoute du peuple, et s’appuyer sur des forces compétentes, tant de l’intérieur que de l’extérieur, le pays en regorge. Nous sommes loin d’être en crise de cerveaux. Nous constatons plutôt un casting qui ne convient pas aux réalités actuelles. Croire que cinq ans de mandat sont déjà bien tapés dans la poche est un leurre. Sans vouloir le souhaiter chez nous, nous avons vu le cas en Egypte avec Morsi. Il en va donc de l’entrée de l’actuel président dans l’histoire du Mali ou de la carrière politique de son fils Karim Keita qui affiche des ambitions. Au moment où le pays vit une division socio-politique, et qu’il risque une partition, les Maliens voudraient un leader qui rassemble, qui unit le peuple, et qui apaise les tensions, au lieu des sorties tapageuses ou du mépris de l’opinion des autres. Nous avons besoin d’un leader épris de paix et justice sociale, qui encourage le peuple dans les bonnes actions entreprises pour sortir le pays du pétrin. La lutte contre la corruption et la gabegie commencent par le sommet, par l’entourage d’abord. Comme le dit l’adage: «Frappe les tiens pour que les autres aient peur». Ses interminables voyages, non plus, ne peuvent être vus comme des prouesses. Si le président revendait, par exemple son Boeing, et se débarrassait de ses liaisons sulfureuses du genre «Tomi», il gagnerait un peu plus de confiance. IBK devrait marcher plus lentement. Pour terminer, je paraphrase : celui qui veut aller plus vite va seul ; celui qui veut aller en toute sécurité va avec les autres, et pas seulement avec un entourage bourré, semble-t-il, de laudateurs et d’opportunistes. Tout ce que je dis ici ne devrait pas venir de moi, mais des conseillers d’IBK et de son entourage. Quand on soutient une personne, on doit avoir le courage de lui dire la vérité, et non lui jeter des fleurs constamment. Pour reprendre autrement la morale d’une fable, la cigale chante tout l’été. Une fois l’hiver venu, elle s’envole aussitôt pour d’autres cieux plus chauds.

 

 

Annie Coulibaly, 66 ans, interface dans le jumelage Bamako-Angers :

«L’Autorité considère avoir atteint son but, sous le parasol de Dieu»

Quel commentaire faites-vous de cette première année ?

On constate un décalage notoire entre une campagne présidentielle euphorique et un atterrissage post-électoral «sur le ventre». Les Famas et l’administration malienne ne contrôlent toujours pas la région de Kidal. La sécurité des personnes et des biens dans les trois régions du Nord du Mali est encore aléatoire. Les Maliens déplacés et réfugiés, qui le souhaitaient, n’ont toujours pas regagné leur domicile. La justice est loin d’être équitable pour tous. La gouvernance reste au stade de concept. Les créations d’emplois sont largement insuffisantes. La cherté de la vie quotidienne n’est pas adaptée à la majorité des salaires. L’Autorité s’est sans doute donnée à fond dans la campagne, sans se préparer à gouverner. Une fois au pouvoir, elle se révèle impuissante. Comme si, avec l’élection, elle considérait avoir atteint son but, sous le parasol de Dieu. Où donc s’en est allé « le Mali de nos rêves ? »

 

Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

Le leadership, à tous les niveaux décisionnaires. L’opposition ne s’est pas positionnée comme force de proposition. La communication du gouvernement a été maladroite ou absente. Le recrutement des collaborateurs et hauts fonctionnaires est une imposture. Alors que les financements nécessaires sont démentiels, le Mali se paie le luxe de partenaires extérieurs habituels qui font faux bond. Paradoxalement, cela va peut-être contribuer à réduire notre dépendance extérieure, et, (acceptons de rêver un peu) d’optimiser nos propres potentiels. On n’a tiré les leçons ni du passé, ni des douleurs de la guerre. Les femmes viennent tout juste d’être écoutées, si ce n’est, entendues. La société civile n’a pas pris sa place, c’est à se demander si ce n’est pas à cause d’une lutte de pouvoirs internes. La plateforme Kel-Tamasheq n’a pas joué le rôle de contrepoids attendu face aux groupes armés.

 

Que faut-il faire pour que le Mali avance ?

Oublier de faire semblant, de se voiler la face, de jouer la comédie. Accepter de bien se regarder dans la glace. Brasser les populations de toutes les régions, les imbriquer, les intercroiser (universités, manifestations commerciales, sportives ou culturelles, chantiers etc.) Contrôler la démographie, car tant qu’on ne peut pas produire plus, on ne peut pas se permettre de se multiplier autant, sous peine de continuer à entretenir un partage déséquilibré des richesses. Concentrer tous les efforts sur l’éducation, dans tous les domaines, à tous les niveaux, en insistant fortement sur la formation professionnelle. Faire enfin voter le nouveau Code de la Personne et de la Famille, en renvoyant les oppositions religieuses à la sphère privée. Prendre des mesures draconiennes pour tuer les corrupteurs dans l’œuf, agir pour un changement de comportement radical afin de faire évoluer les mentalités : la pédagogie démocratique, citoyenne, à 1 000 %, pour que chacun se sente acteur de son devenir. Redonner au travail sa vraie valeur & promouvoir l’équation : argent=travail. Développer le sens de l’effort à tous les niveaux, par exemple, que les personnes au chômage soient affectées provisoirement à des travaux d’intérêt public. Valoriser et transformer davantage de produits locaux sur place, avec un objectif de finition de qualité, au lieu d’exporter autant de matières premières brutes & d’importer autant de produits finis. Atteindre l’autosuffisance alimentaire dans un délai raisonnable. Veiller à la plus grande transparence dans l’extraction des richesses minières et dans l’affectation de leurs plus-values.- Reproduire à grande échelle les bonnes expériences validées, au Mali comme à l’extérieur. Se poser les bonnes questions : Toutes les ONG sont-elles vraiment nécessaires ? Toutes œuvrent-elles à l’amélioration du bien-être des populations ? L’eau potable pour tous les Maliens, est-ce l’arlésienne ? Arriverons-nous à l’énergie pour tous ? Comment les Maliens de l’extérieur peuvent-ils davantage investir au Mali ? Comment le pays peut-il mieux profiter de leurs acquis ? Qui aurait intérêt à ce que le Mali s’enlise ? Qui œuvrerait pour que le Mali ne rejoigne pas les pays émergents ? Comment redonner de l’espoir, surtout aux jeunes puisqu’ils sont notre avenir. Nous avons tous les atouts dans notre jeu, il nous reste à jouer collectivement !

 

 

Bandiougou Kourouma, chef d’entreprise à Rennes en Bretagne (France), membre du Mouvement de la Paix de Bretagne et de la CDAB, membre fondateur du collectif «Plus Jamais ça» et de l’association AFAM :

«Je ne suis persuadé ni de la représentativité des élections passées, ni des conditions dans lesquelles elles se sont déroulées»

La première année de « règne » d’IBK, quel bilan ?

Le bilan est plus que négatif car en plus du manque total de vision, accentué par une gabegie financière qui frôle le ridicule, aucune mesure efficace n’a été prise pour la paix. Pire, les inégalités se creusent, tandis que l’action gouvernementale se dissout dans la réaction médiatique. Pendant ce temps, on perd chaque jour un peu plus de notre territoire avec, en prime, l’aggravation de l’insécurité, ainsi que la désespérance de la population qui n’a aucun moyen de recours. Pour résumer, l’élection, ainsi que l’an 1 IBK, est un non-événement qui se passe de tout commentaire.

 

Qu’est-ce qui n’a pas marché

Il y a eu erreur de casting de la part de la France qui, en imposant IBK, ignorait l’absurdité de mettre un pays sous perfusion sous la tutelle d’un mégalomane qui n’a d’autre souci que de plaire. Pour être gentil, je dirais que François Hollande voulait un flan à son image. C’est cruel et irresponsable de ne pas avoir respecté les règles démocratiques sous prétexte qu’il y avait urgence. La suite on la connaît, mais malheureusement l’épilogue est loin d’être dit.

La solution pour que le Mali avance ?

La même qu’il faut préconiser pour notre monde mis à feu et à sang par les stupides questions économiques. La société civile doit être écoutée, et avoir une place. L’humain doit être au centre des préoccupations. Les peuples doivent disposer de leur avenir. Leur volonté doit être respectée. Utopie ? Je ne crois pas car, bientôt, les systèmes pervers, qui ont été mis en place, trouveront leurs limites. Il faut, dès à présent, trouver une alternative en privilégiant le social et la cohésion. Je suis de ceux qui prônent et passent par des actes.

 

 

Labass Dembélé (30 ans), Ingénieur des Télécommunications, Hauts-de-Seine, France

«Les priorités du chef de l’Etat étaient personnelles et familiales»

Quel commentaire faites-vous de cette première année?

Cette première année est décevante, elle ne correspond pas aux attentes et aux espoirs du peuple malien. Le Mali n’a pas été mis à l’abri de ses ennemis et des prédateurs, au contraire de la famille du président. La majorité des Maliens pensent désormais avoir fait le mauvais choix de président de la République. Je pense que la deuxième année sera différente parce que la gestion du Mali est regardée de près aujourd’hui. Merci au FMI et à la Banque mondiale ! On ne peut pas faire n’importe quoi avec l’argent des autres et du peuple !

 

Qu’est-ce qui n’a pas marché pendant cette première année selon vous ?

Je crois que les priorités du chef de l’Etat étaient personnelles et familiales alors que les attentes étaient nationales. Je ne suis hélas pas surpris, moi qui ai milité pour l’élection de Soumana Saka dont compétences et valeurs morales sont avérées. Les Maliens ont été atteints d’une amnésie générale lors des élections présidentielles, c’est dommage ! Nous avons eu déjà deux Premiers ministres. Le premier ayant démissionné pour l’incompétence de son gouvernement et que le président a été incapable de le laisser travailler avec les meilleurs. C’est très difficile quand on est rigoureux de travailler avec certaines personnes au Mali. Au Mali, on pousse toujours les meilleurs à la démission et cela n’a pas changé. Les médiocres veulent toujours rester entre eux. Les entreprises publiques sont très mal gérées et le peuple n’a pas loisir à voir leur dirigeant derrière les barreaux, suis-je trop optimiste ? Il n’y a que le ministre Bathily qui se remue un peu dans ce gouvernement, en attendant son «heure» ?

Que faut-il faire pour que le Mali avance ?

Je pense que les Maliens doivent savoir qu’à défaut d’avoir un bon exemple au sommet de l’Etat, seules les initiatives privés et citoyennes pourront faire avancer ce pays. Nous devons combattre la résignation qui est considérée comme une qualité au Mali. Arrêtons d’applaudir des gens riches et dont on sait bien qu’ils jouent avec l’argent du peuple malien. Notre devoir est de chercher à les punir et de cesser d’être des corrupteurs. J’en appelle à l’honneur de tous les Maliens, nos ancêtres ont su gérer des empires, et nous, serions-nous incapables de gérer un «petit» Etat avec ses frontières actuelles ? Il faut que la fierté du travail bien fait revienne au Mali. De la rigueur, de la rigueur, de la rigueur et chacun doit répondre de ses actes ! N’attendons pas que les politiques viennent changer nos vies, changeons-les nous-mêmes et ayons de la mémoire !

 

 

Ramata Cissoko Cissé Atlanta (Géorgie – USA) :

«Le plus grand problème est le manque de communication entre l’Etat et le peuple»

IBK a hérité d’un pays en crise, avec une population au cœur meurtri. L’espoir était très élevé, avec une soif de changement. Le peuple a vite réalisé qu’une sortie de crise allait prendre du temps, plus qu’on ne pensait. Beaucoup ont cru qu’en une année on pouvait redresser le système. Je pense qu’IBK a tout juste cherché une stabilisation, même si elle est fragile, pour créer la base du fonctionnement de l’Etat. Ce qui n’a pas marché, c’est l’incapacité du gouvernement à comprendre le sentiment du peuple et à satisfaire ses besoins ; ce qui a affecté la confiance que le peuple a en le pouvoir. Cela est inquiétant. Le plus grand problème que je vois est le manque de communication entre l’Etat et le peuple. Ce sont les individus, avec leurs idées et leur savoir-faire, qui changent un pays. Pour que le Mali avance, il faut mettre des pragmatiques à la tête des départements clefs, des personnes de terrain, et non des personnes de papiers.

 

Moustapha Diané, retraité de la métallurgie (Paris) :

«… IBK est devenu comme un nouveau-né»

Quel commentaire faites-vous de cette première année ?

Si on me demandait de noter cette 1ère année de M. IBK, plébiscité avec plus de 77,6 %, je lui attribuerais 09/20. Le mercredi 4 septembre 2013, une page se tournait : Dioncounda Traoré quittait le pouvoir pour laisser la place à IBK. Le nouvel homme fort du Mali promit aux Maliens un Etat fort, la fin des passe-droits et de la corruption. Il souligna que sa priorité serait la réconciliation après la crise qui venait de mettre le pays à terre, suite à l’offensive menée par certains de nos compatriotes bandits aidés par des groupes jihadistes, barbares, narcotrafiquants venus d’ailleurs. Le président IBK s’était fixé un objectif : organiser des assises pour rassembler toutes les composantes de la société et toutes les générations. Il a promis de réconcilier les cœurs et les esprits, de rétablir une vraie fraternité entre nous, afin que chacun, dans sa différence, puisse jouer harmonieusement sa partition dans la symphonie nationale. Il voulait œuvrer pour que les Maliens retrouvent foi en l’avenir. Il désirait rétablir la confiance en la classe politique et relancer l’économie et la relève du secteur agricole pour permettre aux paysans d’avoir un meilleur accès à la terre, et plus de droits sur cette terre, redresserait l’armé, l’école, etc.

 

Qu’est-ce qui n’a pas marché pendant cette première année ?

Lors de la campagne des élections présidentielles en 2013 au Mali, j’écrivais, dans un réseau social, que les 27 candidats étaient des vrais patriotes, aimant tous le Mali. Parmi eux, l’heureux élu serait le candidat le plus expérimenté, le plus pertinent, le plus convainquant dans ses propos. Ce candidat élu fut IBK. Effectivement, IBK avait été Ambassadeur, Ministre des Affaires Etrangères, Premier ministre de 1994 à 2000, et en 2002, élu président de l’Assemblée nationale. Après six mois de pouvoir, IBK s’est complètement métamorphosé. Il est devenu comme un nouveau-né. Il semble amnésique et avoir oublié pour quelles raisons le peuple malien lui a fait confiance. Depuis fin juin 2014, à défaut de lisibilité dans les actions du gouvernement, je me demande où va le Mali ? La réconciliation est au point mort. Le pays connaît une situation économique catastrophique et vient d’être suspendu momentanément des financements par la Banque mondiale, le FMI et l’Union Européenne. Cependant, en juillet 2014, malgré tous les problèmes vitaux que connaît le pays, un sondage publiait que 86 % des Maliens approuvaient les actions d’IBK.

 

Que faut-il faire pour que le Mali avance ?

Il serait injuste de donner à IBK une note inférieure à 09/20, parce qu’il a trouvé le Mali dans un état lamentable. Insécurité & crise sociopolitique et économique insupportable. Le pays avait été abandonné par l’internationale & par les bailleurs de fonds à cause du coup d’Etat de mars 2012. Néanmoins, il faut critiquer IBK et faire pression pour qu’il change de comportement, de politique. La situation du pays est très critique. J’ai lu dans un article, IBK avait rendu hommage au développement économique de la Chine. Il ne peut pas ignorer que pour se développer, la Chine a travaillé durement, consenti beaucoup de sacrifice humain, et même contrôlé la natalité. Les dirigeants se contentaient de peu de choses pour vivre. La grave erreur que IBK a commise est de ne pas avoir fourni tous les efforts pour que nos compatriotes déplacés et réfugiés hors de nos frontières retournent au pays. Ils sont 140 000 résidents dans des camps de fortune en Mauritanie, au Niger, au Burkina. IBK peut prétexter qu’il y a un manque de nourriture, de logement, de soins de santé, mais il ne doit pas oublier qu’il ne peut pas y avoir de réconciliation sans ces hommes et ces femmes.

 

 

Siaka Coulibaly, spécialiste en innovations socio-économiques, Consultant de plusieurs sociétés civiles maliennes et françaises, Millau (France) :

«Le problème est IBK lui-même»

Quel commentaire faites-vous de cette première année?

Cela a été du gâchis. Une année de somnolence sur tous les sujets importants pour le peuple malien. IBK a consacré cette année à se faire plaisir, à lui et à ses proches, sans apporter aucune solution aux problèmes du peuple qui lui avait pourtant confié son destin, car il pensait à 77% qu’il était l’Homme de la situation.

Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

Dès son arrivée, IBK a, par truchement, installé sa famille, ses proches dans la gestion du pays. Au Mali, on n’est pas loin d’une dynastie aux affaires. Ils se sont invités au gouvernement, à l’Assemblée nationale… Beaucoup d’entre eux sont sans expérience politique, sans compétence concernant l’administration. Certains sont arrivés par les urnes, mais on ne peut s’empêcher de questionner la fiabilité et la transparence de certains suffrages. Celui qui bénéficie des moyens de l’Etat peut facilement les utiliser à des fins propres, et sans vergogne. Oui, on a cru qu’IBK était l’Homme de la situation, surtout pour résoudre la crise sécuritaire, au nord. Malheureusement, les premiers actes posés, en catimini, ont prouvé qu’il avait opté pour une gestion solitaire, et dans une impréparation déconcertante. Des rebelles libérés, des personnes sous les coups de mandat d’arrêt international libérées aussi, sans aucune formalité ou garantie d’aller vers la négociation, encore moins vers la paix. Ces libérations ont été décidées au mépris de la justice malienne. Pire, aux dernières élections, certains de ces anciens rebelles recherchés ont été élus députés du parti présidentiel, le RPM. C’était leur garantir une immunité nationale. C’était légitimer la rébellion. Les Maliens s’interrogent. Faut-il prendre les armes pour être entendus et récompensés ? Avant son arrivée à Koulouba, il y avait une présence symbolique de l’armée dans Kidal, le drapeau malien flottait sur le gouvernorat. On parlait de redéploiement de l’administration, impatient que tout re-fonctionne correctement. Depuis mai, il n’y plus aucune présence malienne à Kidal et alentours ! Certains diront que même Kati ne fait plus peur puisque la junte a été mise hors-jeu. Là aussi, nous restons sur notre faim. Justice de faciès, justice à double vitesse. Des morts de bérets rouges, de bérets verts, de civils. IBK voulait voir l’ancien président ATT inculpé pour haute trahison. Au vu de ce qu’il a lui-même fait en 1 an, IBK en restera à cette annonce. Il avait promis aux Maliens que l’année 2014 serait placée sous le signe de la lutte contre la corruption. Les Maliens le souhaitaient vraiment ! La gouvernance de cette première année a été tellement catastrophique que l’ensemble FMI/BM/UE et autres, ont, pour le moment, suspendu leur coopération dans des domaines aussi essentiels que vitaux. L’école malienne ne s’est jamais portée aussi mal. Les conditions de l’organisation des examens du DEF et du baccalauréat 2014 en sont la preuve. Et aucune action concrète positive pour l’amélioration de la situation ne pointe à l’horizon.

 

Que faut-il faire pour que le Mali avance ?

Le problème est IBK lui-même. Sans changement réel de sa part, aucune bonne volonté, ne pourra relever le défi qui se pose au Mali. Le 1er problème à régler est la corruption. Comment le président peut-il vouloir lutter contre une pratique qui, depuis plus de 20 ans, lui a permis de gravir tous les échelons de la politique et du pouvoir malien ? Les revendications sociales sont peut-être le seul moyen efficace de lutte contre ce fléau. La dernière en date est la grève de 48h de l’UNTM. Parmi les revendications, la réduction du prix de l’électricité, de l’eau et des produits de 1ère nécessité. La grève a visé à l’amélioration du pouvoir d’achat de tous les Maliens et non des seuls fonctionnaires. J’encourage de telles revendications. L’UNTM vient ainsi de jouer le rôle qui incombe à la société civile malienne, restée dans le coma. La SC semble ne rien avoir appris des crises. À ceux qui parlent de timing, je leur demande depuis combien de temps les Maliens souffrent-ils. Combien de temps encore doivent-ils attendre pour revendiquer leurs droits ? Les crises ont d’abord touché le Malien lambda. IBK et son gouvernement connaissent-ils la crise qu’ils nous ressassent tous les jours ? Quel effort fournissent-ils, eux personnellement ? Ils ont déjà tout. Le Malien se bat pour 3 repas par jour. Eux ne veulent que plus de luxe pour eux-mêmes. Seule la lutte libère. Si toutes les couches sociales revendiquaient leurs droits, le Mali s’en sortirait. C’est ce qui a toujours manqué. Plus il y aura de revendications, moins l’Etat somnolera. Les marges seront réduites, la corruption au niveau de l’Etat diminuera. Seule l’excellence, le savoir-faire et le savoir-être seront valorisés. … Au Mali, la bonne gestion est proportionnelle à la rareté des ressources de l’Etat. La lutte contre la corruption ne se gagnera que si toutes les couches sociales revendiquent. Un bon pouvoir d’achat pour tous entraînera une économique prospère, donc un développement économique et social du pays. Ces revendications imposeront le dialogue social qui a tant manqué. Nous avons besoin d’un véritable échange entre le pouvoir et le peuple malien. Le Mali suit un modèle économique qui n’est adapté ni à sa réalité économique ni à sa spécificité. La fiscalité et la monnaie restent les moyens d’accompagnement de l’économie du Mali. L’économie échappe à l’Etat car le Mali n’a pas de souveraineté monétaire et appartient à la communauté économique UEMOA. Le Mali pourrait développer son économie réelle, contrairement aux pays à économie «non-extensive» en manque de matières premières où la finance prend le dessus sur l’économie réelle. Le Mali dispose de vrais leviers qui pourraient être au service du développement, puisqu’il a de fortes potentialités en matières premières. Et pourtant, le pays n’en bénéficie pas. Il faut changer cette politique là aussi. Il faut : recouvrer les indus de l’Etat ; stopper la déperdition due à la corruption dans les caisses de l’Etat, et veiller à ce que toutes les dépenses de l’Etat soient utilisées au bénéfice du peuple. Selon les différents audits et rapports du BVG, avec une bonne gestion des ressources existantes, le Mali ne devrait pas avoir de problèmes de financement pour le fonctionnement de l’Etat. Les Premiers ministres, Dr. Soumana Sako et Cheick Modibo Diarra l’ont démontré. Il faut orienter le Mali vers l’investissement, vers de gros investissements pour industrialiser les secteurs prioritaires. Ces secteurs sont les mines, l’agriculture, l’artisanat, la culture, la jeunesse… Il faut imposer une bonne gestion des exonérations et des contrats miniers, car ce sont là les véritables sources de financement pour l’Etat. C’est comme ça que le Mali s’en sortira.

Kadidja Trim (36 ans), chargée d’insertion (Paris)

«Je ne crois jamais aux promesses de campagne»

Quel commentaire faites-vous de cette première année ?

En un an, il est évidemment impossible d’être satisfait du dirigeant de son pays, du Mali en particulier, vu le gigantisme de la tâche entre la gestion de la crise au nord du pays, et l’inexistence d’économie. Je ne crois jamais aux promesses de campagne, c’est le meilleur moyen de ne pas être déçue.

Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

Je crois avant tout que le déficit de communication est dévastateur. S’il est difficile d’exposer publiquement sa stratégie pour la sortie de crise au nord, un Etat, qui se dit démocratique en 2014, ne peut faire l’impasse sur l’information au public. Le Mali est doté d’une chaîne TV ridicule qui parle d’à peu près tout, sauf de ce qui préoccupe les Maliens aujourd’hui, à savoir la situation économique et politique du pays. Les Maliens de l’extérieur sont mieux informés que ceux de l’intérieur qui doivent souvent compter sur les informations des médias étrangers. Des lois sont votées, des décisions prises, mais les Maliens restent bloqués sur l’avion présidentiel, faute d’informations politiques dignes. Je ne comprends pas non plus ce total désintérêt à l’égard de nos réfugiés, encore exilés. L’Etat n’a pas besoin de tambours et guerriers pour réinvestir le nord, mais de présence administrative. Ce n’est pas Kidal qui avait besoin de la visite du Premier ministre, mais bien toutes les petites localités qui font vraiment le Mali. Je me désole également de ces rapprochements religion/Etat, qui me font craindre que, ce que n’ont pas réussi les Aqmi, Ançardine et compagnie grâce à leurs armes, ils l’obtiendront par le politique.

 

Que faut-il faire pour que le Mali avance ?

Que les Maliens sachent ce qui se passe chez eux serait un début acceptable. Des réformes institutionnelles seraient bienvenues. La création d’une double chambre parlementaire par exemple. Ainsi, ni un avion présidentiel, ni de l’armement ne pourraient être achetés sans l’aval du Parlement (à l’image du Congrès aux Etats-Unis), encore moins des nominations de généraux issus de groupes rebelles. Attendre tout du FMI est un mauvais calcul. Nouer des relations commerciales transparentes avec d’autres partenaires commerciaux, issus des pays émergents autres que la Chine, est indispensable pour nous développer. Mais rien de tout cela n’était pas au programme !!!

 

Issa Balla Moussa Sangaré (30 ans vit à Washington DC USA) ; il détient un Master in Business Administration- Finance (MBA) Wilmington University Blogueur, activiste, panafricaniste et membre du Recam (le Réseau de Citoyens Actifs Mali).

«IBK bat le record d’impopularité de l’actuel président français»

 Quel commentaire faites-vous de cette première année ?

Dans une entreprise, après chaque exercice, c’est-à-dire chaque année civile, on fait le bilan. C’est un document qui fait ressortir l’actif et le passif de l’activité. On peut procéder de la même façon après « 1 an de présidence IBK ». L’héritage politique était particulièrement lourd à cause de la crise sociopolitique, néanmoins le bilan de cette première année n’est pas à la hauteur des attentes du peuple qui avait plébiscité le président à 77% du corps électoral. D’après le Pr. Issa N’diaye : «En observant le comportement actuel du président du Mali, on constate que l’enthousiasme populaire de départ a cédé la place au plus grand désarroi. Et s’il existait un baromètre fiable de l’opinion publique nationale, nul doute qu’il battrait le record d’impopularité de l’actuel président français ».

Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

Malheureusement, un nombre incalculable de choses. La déclaration publique des biens : ‘Dura Lex sed lex’ : L’article 37 de la constitution de la République du Mali de février 1992 a été violé dans le temps et dans la forme. Un communiqué de la présidence nous avait informés que le président de la Cour suprême avait reçu la déclaration de biens du président IBK, le 9 septembre 2013. L’article 37 stipule qu’après la cérémonie d’investiture et dans un délai de 48 heures, le président de la Cour suprême reçoit publiquement la déclaration publique des biens du président de la République. D’une part, étant donné que le 4 septembre 2013 fut la date d’investiture, cette déclaration aurait donc dû être faite le 6 septembre 2013 et non le 9, et d’autre part, pas en catimini mais publiquement. Un leader est censé donner le bon exemple afin d’encourager sa population et ses élites à suivre son sillage de bon leadership et de bonne gouvernance. La lenteur accusée sur le règlement de la crise septentrionale : malgré les imperfections, les accords préliminaires de Ouagadougou étaient en notre faveur, puisqu’en ses articles 10, 11 et 12, il était prévu le cantonnement des groupes armés, le déploiement des forces de défense et de sécurité maliennes et de l’administration générale dans la région de Kidal, le déploiement d’éléments de la gendarmerie et de la police nationale à Kidal, favoriser le retour volontaire des personnes déplacées et des réfugiés … Le président Ibrahim Boubacar Keita et son gouvernement auraient dû faire de ces accords leur cheval de guerre, ce qui n’a pas été le cas. La libération et la levée des mandats d’arrêts nationaux et internationaux sur les rebelles et chefs rebelles : Libérer des combattants qui avaient pris les armes contre le Mali, lever des mandats d’arrêts, laisser l’armée malienne cantonnée à Kidal, sans oublier le non-respect de l’accord de Ouagadougou et du cessez-le-feu par les groupes rebelles sont autant de preuves que, dans la résolution de la crise du Nord, l’Etat a lâché du lest sans rien recevoir en contrepartie, alors que ces gens ont violé nos mères et nos sœurs, tué les paisibles citoyens, coupé les pieds et les mains des innocents, sommairement assassiné nos militaires. Ils se sont associés avec le diable pour créer l’apocalypse dans le septentrion. Au non de quelle réconciliation nationale, ces individus mal intentionnés qui ont les mains souillées du sang malien méritaient-ils la libération ? Il ne saurait y avoir réconciliation nationale sans justice. La diplomatie malienne n’a pas été à la hauteur : Dès juin 2012, la résolution 2056 du conseil de sécurité des Nations unies affirmait son rejet catégorique des déclarations du Mouvement National pour la Libération de l’Azawad (MNLA) relatives à une prétendue «indépendance» du nord du Mali, affirmant, en outre, que de telles annonces étaient nulles et non avenues. Cette résolution suffisait à la diplomatie malienne pour gagner la guerre médiatique contre les indépendantistes d’une part, et pour contrer le lobbying de ce groupuscule dans les chancelleries occidentales, d’autre part. L’achat du nouvel avion présidentiel : Un pays qui sort d’une crise sans précédent, un Etat dont les caisses sont vides, un pays toujours en guerre contre les djihadistes et les narcotrafiquants, un Etat sous perfusion internationale ne peut pas se permettre d’acquérir un avion à 20 milliards Fcfa. Cet achat et d’autres dépenses publiques ont provoqué la suspension des aides budgétaires du FMI, de la Banque Mondiale et l’Union Européenne, ce qui, à court et à long termes, impactera le Mali de façon insidieuse, à l’échelle sociale, politique et économique. L’accord de coopération de défense entre la France et le Mali : Il aurait fallu que, préalablement à toute signature bilatérale, le texte de cet accord fasse l’objet d’un débat public au sein de l’Assemblée nationale. Or, il n’en a rien été, et le 16 juillet 2014 l’accord de coopération de défense a été signé. Aujourd’hui, la seule version qui est disponible est non paraphée puisqu’elle a été publiée par la presse locale une semaine avant la signature.

 

Que faut-il faire pour que le Mali avance ?

La diminution des dépenses publiques. Nos élites doivent renoncer à leurs avantages et dépenses somptuaires dans les capitales et les grandes villes, elles doivent subordonner les intérêts personnels au profit de l’intérêt général, et servir l’Etat en lieu et place de se servir de l’Etat. La diminution des dépenses publiques apparaît nécessaire, et même indispensable pour le Mali. La révision à la baisse des salaires et avantages des députés. Le Mali étant classé parmi les Pays les plus Pauvres et Très Endettes (PPTE), il est inconcevable que le président de l’Assemblée nationale et les parlementaires du Mali gagnent respectivement 25 millions et 2 millions Fcfa par mois. La lutte contre la corruption, l’incivisme et le népotisme : Le président Ibrahim Boubacar Keita avait dit aux Maliens qu’il plaçait : «… l’année 2014 sous le signe de la lutte contre la corruption et que, nul ne saurait s’enrichir illicitement sur le dos de l’Etat…». IBK fut l’arroseur arrosé. Sa mauvaise gestion des deniers publics causa vite la sanction internationale. Le président et son gouvernement doivent faire de la lutte contre la corruption, l’enrichissement illicite et le népotisme le pilier numéro un de leur politique. Reconstruire une armée républicaine : nos FAMA (Forces des Armées du Mali) doivent être dotées de toutes les ressources nécessaires pour devenir une armée honorable, prête à défendre dans sa mission régalienne, la population malienne et l’intégrité du territoire malien. Nous suggérons également le recrutement des milices volontaires au sein de l’armée du Mali, et singulièrement celle du Ghanda Iso. L’école malienne : ‘Nos descendants ont des droits sur nous : Jadis, l’école malienne était celle de l’excellence. Aujourd’hui, elle forme tout, sauf des intellectuels et des cadres dignes de ce nom. La majorité de la jeunesse est inculte, il y a une sécheresse de ressources humaines dans tous les secteurs. À tous les niveaux, du primaire au supérieur, dans l’enseignement public comme dans le privé, une réforme draconienne est nécessaire, car l’avenir d’un pays repose sur sa jeunesse. La société civile et la classe politique : quiconque pense avoir quelque chose à proposer doit l’initier sans délai. Pour se reconstruire, le Mali a besoin de tous ses fils, de Kayes à Kidal, de la diaspora, de toute l’intelligentsia malienne, des Maliens de tout bord. Le Mali traverse une page noire de son histoire, comme bien d’autres grandes nations en ont traversé. Le soleil se lèvera. Conclusion : Faire des erreurs n’est pas grave, mais ne pas apprendre de ses erreurs est inadmissible. Nous osons croire que le président de la République et son gouvernement sauront se ressaisir et apprendre de leurs erreurs, écouter la population, accepter les critiques, et changer le cap, afin de mettre la nation malienne sur les rails de l’excellence et redonner espoir à la jeunesse meurtrie et égarée.

SOURCE: Le Reporter

 

Sékou Kyassou Diallo, Résidence: Alma Ata, Kazakhstan. Emploi : Travaille à Casino électronique.