L’ancien président malien (2013-2020) Ibrahim Boubacar Keïta est décédé au Mali ce dimanche 16 janvier, à l’âge de 76 ans. Les réactions de personnalités comme de citoyens maliens anonymes ont afflué pour lui rendre hommage ou évoquer plus factuellement son bilan.

 

Peu après l’annonce du décès de l’ancien président malien, de nombreux groupes d’hommes et de femmes ont pris la direction de son domicile privé de Bamako, a constaté notre correspondant sur place, Serge Daniel. Hommes et femmes politiques de tous bords, parents, amis et citoyens ont tenu à présenter leurs condoléances à la famille éplorée.

Rassemblement devant le domicile d’IBK

De son côté, la junte malienne a présenté ses « sincères condoléances » dans un communiqué. Le texte précise que les informations relatives à la cérémonie funéraire feront l’objet d’un autre communiqué. Il faut donc peut-être s’attendre à des obsèques nationales, en tout cas avec la participation des plus hautes autorités maliennes.

Les derniers visiteurs du soir de l’ancien président sont unanimes sur plusieurs points. L’homme qui était un amoureux des livres et des écrivains n’animait plus de conversations devant ses invités comme il en avait la coutume. Il était plutôt « éteint » confie même une source. Pourquoi ? Les conditions de la fin de son règne, par un coup d’État. Il a eu également le temps de faire la somme des trahisons dont il a été victime. Mais l’homme était aussi malade, il voyageait entre Bamako et Abu Dhabi pour prendre des soins dans un hôpital américain.

IBK, il était l’espoir. Mais nous avons été déçus, totalement déçus de tout ce qu’il a fait. Et il a mis le pays dans le chaos

Les Maliens réagissent, entre respect, tristesse et critiques

Baber Gano, actuel secrétaire général du RPM, le parti de l’ancien président Ibrahim Boubakar Keïta, a été trois fois ministre sous IBK dont il fut un proche collaborateur. Il fait part de sa tristesse et rend hommage à IBK et à son engagement pour le Mali, en dépit de sa chute.

“Ce que je retiens de IBK, c’est un homme éclairé, un démocrate sincère. L’Histoire a été ce qu’elle a été mais IBK est un républicain. Il a été incompris mais il se souciait toujours du devenir de son pays”, Baber Gano, secrétaire général du RPM, parti de l’ancien président

Amadou Koïta est le président du PS-Yeleen Coura, parti allié d’IBK, dont il fut plusieurs fois ministre. Il est aujourd’hui membre du Cadre des partis politiques opposés à la prolongation de la Transition. Il exprime sa tristesse et son admiration pour IBK.

Ma peine immense est à la hauteur de l’affection, de l’admiration et du respect que je portais à l’homme. Le Mali et les Maliens viennent de perdre un grand homme, un grand président […] Il m’a reçu plusieurs fois depuis le coup d’État militaire. Pour lui, seul le Mali compte. C’est le destin qui a voulu que ce qui est arrivé arrive. Il suivait avec beaucoup d’intérêt et d’inquiétude ce qui se passait dans le pays. Il a toujours souhaite que les jeunes militaires qui ont pris le pouvoir fassent mieux que lui et qu’à travers leur gestion du pouvoir les Maliens se réconcilient […], Amadou Koïta, président du PS

Pour sa part, Nouhoum Sarr s’incline devant la mémoire d’IBK, mais il tire toutefois de ses années au pouvoir un bilan évidemment peu flatteur. Il est président du Front africain pour le développement et siège aujourd’hui au Conseil national de transition. Au printemps 2020, il était en première ligne lors des manifestations monstres qui ont exigé pendant plusieurs mois la chute du président IBK. C’était juste avant son renversement par le coup d’État militaire d’août 2020.

“Les clivages politiques sont en-dessous des valeurs humaines : nous nous inclinons devant sa mémoire […] Il aura quand même laissé un pays divisé, en crise […], a laissé volontairement ou non l’affairisme se développer au sommet de l’État […] et n’a malheureusement pas su apporter les réponses adéquates ce qui a fini par entraîner la chute de son régime. Nous prions le Tout-Puissant pour que son âme repose en paix”,Nouhoum Sarr, membre du CNT, ancien militant du M5 qui a manifesté pour la chute d’IBK

Parmi les chefs d’État étrangers, l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou a été l’un des premiers à réagir au décès de l’ancien président malien. Il a dit avoir ressenti une immense tristesse lorsqu’il a appris la mort de son ami et compagnon de lutte politique, depuis 30 ans.

“C’est avec beaucoup de tristesse, avec une immense tristesse que je viens d’apprendre la disparition du président Ibrahim Boubacar Keïta. […] Je retiens de lui le souvenir d’un homme cultivé, d’un grand patriote et d’un panafricaniste engagé. Je perds vraiment en lui un ami et un camarade”, Mahamadou Issoufou, ancien président du Niger.

En Côte d’Ivoire, le président ivoirien Alassane Ouattara « rend hommage à un grand homme d’État et un ami de la Côte d’Ivoire ». Il présente ses « condoléances les plus émues à son épouse Ami, à sa famille, ainsi qu’au peuple malien ». Mêmes mots dans la bouche de son homologue sénégalais Macky Sall qui présente ses condoléances émues à sa famille et au peuple malien « ami et frère ».

L’homme politique et opposant tchadien Saleh Kebzabo connaissait IBK depuis plusieurs décennies, alors qu’il vivait à Paris, en France. C’était, dit-il, un homme qui aimait la vie, mais également un homme de pouvoir.

Très vite, quand il est rentré dans les cercles du pouvoir, il s’est fait remarquer, notamment quand il était Premier ministre sous Alpha, avec sa poigne qu’il a laissée comme souvenir au Maliens […] Malheureusement, avec l’effet du pouvoir et surtout cette gangrène qui ronge le Mali depuis au moins une cinquantaine d’années, comme d’autres avant lui et certainement d’autres après lui, il n’a pas su, pu, prendre la bonne mesure de la situation, face au phénomène montant du jihadisme qui finalement l’a emporté. J’ai connu un homme très jovial dans le privé, aimant beaucoup blaguer, aimant toujours écouter les autres pour passer un bon moment. C’est cela qui me manquera le plus dans IBK.

Source : RFI