Le Président Bah N’Daw a dit haut et fort que nul ne sera exclu des consultations électorales qui seront organisées à l’issue de la Transition, mais aussi que personne  ne les prendra en otage. Message fort qu’il a répété récemment à sa façon à l’attention des religieux.

 

En effet, en rendant une visite de courtoisie à Ousmane Madani Haïdara, président du Haut conseil islamique du Mali, le chef de l’exécutif de la Transition et non moins chef de l’État a délicatement procédé à une mise au point. “Je suis venu te remercier car tu m’avais rendu visite lors de mon arrivée à la présidence”. Et d’ajouter sous une forme plurielle : “…La mosquée vous appartient, mais l’affaire politique est la nôtre”. Ces propos d’une forte teneur exprimés par le numéro 1 de la République en face du président de la haute institution islamique du Mali ne sont pas qu’un cheveu dans la soupe et ne procèdent pas non plus d’une généralisation de mauvaise saison. Ils dénotent beaucoup plus du sérieux avec lequel  l’exécutif tient à éviter  que certains leaders religieux musulmans, certes citoyens, n’en viennent à jeter un OPA sur les prochaines élections. Il faut noter que le Président Bah N’Daw peut tenir clairement un tel discours face à Ousmane Madani Haïdara de qui il n’attend nullement ni prières, ni bénédictions, ce qui n’est pas le cas des leaders de nos partis politiques en mal de popularité.

 

La prévenance du président de la Transition  est donc pleinement justifiée quand on sait que, depuis belle lurette, certains de nos prêcheurs connus pour leur boulimie d’argent se sont progressivement transformés en de sortes de faiseurs de rois, sinon de gourous politiques.  Cette réalité est plus visible et est des plus constantes depuis 2013. Drapé de sa double couverture d’imam et de président du Haut conseil islamique du Mali, Mahmoud Dicko a transformé les enceintes sacrées des mosquées en QG de campagne pour Ibrahim Boubacar Keïta, au prétexte fallacieux de défendre l’islam. Le temps a permis de découvrir le pot aux roses, et de la manière la plus dramatique pour la démocratie et la République. Les religieux ne prendront pourtant pas de recul. Au contraire, ils font preuve d’un regain d’activisme politique qui détonne de plus en plus et qui, à y regarder de près, est porteur de germes de conflits religieux.

Il y a d’un côté Mahmoud Dicko qui est le porte-drapeau du sunnisme dans sa forme la plus radicale, le wahhabisme, et de l’autre côté Ousmane Madani Haïdara, le champion de l’islam dit traditionnel, par essence syncrétique, qui veut fédérer divers courants. Entre les deux se positionne Mohammed Bayaya Haïdara dit Chouala qui prétend s’exprimer au nom du chiisme, mais qui fait preuve d’un populisme outrancier faisant feu de tout bois.

La courtoise visite de Bah N’Daw chez l’actuel président du Haut conseil islamique vient ainsi à point nommé. Les malicieux leaders religieux musulmans sont en train ces derniers temps de se positionner en marchands de chimères par des sauts dans l’arène politique. Ousmane Madani Haïdara jette même le masque en proclamant :”La conduite actuelle du pays nous oblige à nous préparer”, avant d’ajouter à l’attention de ses fidèles de dire aux chefs des partis politiques auxquels ils sont affiliés qu’ils ont ordre d’attendre les consignes de leur dignitaire religieux, c’est-à-dire lui-même. En liant à cette invite sa nouvelle position disant que ” nous sommes maintenant dans l’obligation de recourir à l’engagement que nous avions écarté”, sous-entendu la conquête du pouvoir, il n’y a plus d’ambiguïté qu’il veut jouer au trouble-fête. Comme il ne sait pas brider ses déclarations, il ira jusqu’à dire : “Les politiciens n’ont qu’à laisser le pouvoir aux religieux pendant cinq ans”. Propos soutenus puisque, dans une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, le guide des Ançar Dine, répondant à une question d’un de ses fidèles lors d’une rencontre avec la jeunesse de Sikasso, a sévèrement critiqué la classe politique et clashé, au passage, l’imam politique Mahmoud Dicko.

Chouala, de son côté, ne chôme pas. Il reprend même du poil de la bête. Le samedi, 04 avril, sous le manteau du Morema (Mouvement pour la Refondation du Mali) concocté par Me Kassoum Tapo, le jeune guide de l’association Hizbourahmane a été le principal conférencier d’un meeting qui s’est tenu au Palais des Sports. Il avait soigneusement pris soin de camoufler son invitation au public dans un mensonge prétendant organiser une séance de prières et de bénédictions pour le pays, l’armée et le peuple. Il en profitera plutôt pour pourfendre la Transition avec une rare virulence. Au regard des moyens déployés pour drainer la foule et les slogans qui ont été scandés, les observateurs avisés de la scène politique malienne ont vite compris que derrière tout ce boucan, c’est Me Kassoum Tapo qui se cache derrière le paravent de l’islam pour préparer la candidature de Boubou Cissé, l’ancien Premier ministre, à la prochaine présidentielle. Comme si les Maliens sont de grands amnésiques.

Nouhoum DICKO

Source : L’Alerte