Dans trois mois, les Maliens auront à choisir leur président post-crise politico-sécuritaire. La crise aura décimé les Maliens sur la carte à jouer.modibo_Sidibe_premier ministre

 « A quelque chose malheur est bon », dit-on. Si l’élection présidentielle du 29 avril 2012 n’avait pas avorté, il était fort à craindre que les Maliens se laissent emporter par le festival de puissances financières et élire un aventurier à la tête du pays. Mais comme le dirait l’autre, si cette crise n’avait pas existé il fallait la créer pour savoir le vrai visage des hommes qui aspirent à nous diriger.

La crise politico-sécuritaire que notre pays est en passe de vaincre, a permis de promouvoir certains candidats, qui se sont battus pour la sauvegarde des idéaux de la démocratie. Parmi eux, on peut citer Soumaïla Cissé. L’homme qui croyait dur comme fer à ses chances à la présidentielle avortée du 29 avril 2012 n’a ménagé ni son temps, ni ses moyens physiques et financiers pour être aux côtés du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FDR) dans son combat contre la junte militaire qui a renversé le régime démocratique d’Amadou Toumani Touré.

C’est dans ce combat qu’il a failli perdre la vie lorsque « l’escadron de la mort » lui a rendu visite à domicile. Il a été rudoyé par ses bourreaux avant d’être transporté à Kati, fief de la junte militaire. Il fallut son évacuation en France pour subir un traitement médical plus approprié. L’enfant de Niafunké est à présent de retour au pays pour continuer la bataille dans les urnes.

Comment ne pas citer Modibo Sidibé, l’ancien Premier ministre parmi les hommes de la crise ? Lui qui a été plusieurs fois interpellé par la junte sans qu’on ne sache exactement ce qui lui était reproché, tant à faire de lui un véritable martyr de cette crise. Or, il est connu qu’au Mali, on est très sensible sur l’injustice.

Dans ce registre, on retrouve aussi le candidat de l’Adéma, Dramane Dembélé. Sa détention pendant plusieurs semaines n’a jusque-là pas été élucidée. Certains pensent que son arrestation était due à sa participation à la tentative de contre-coup d’Etat du 30 avril au 1er mai 2012, alors que d’autres insinuent que ça pourrait être une histoire de détournement de deniers publics dans laquelle s’est retrouvé l’ancien directeur national de la géologie et des mines.

On n’oubliera pas aussi le président du parti Avenir et développement du Mali (ADM), Madani Amadou Tall. L’homme a mené un combat intellectuel sans précédent, avec des contributions de qualité dans la presse. Des contributions dans lesquelles non seulement il critiquait les dérives de la junte, mais aussi faisait des propositions de sortie de crise. Cela malgré les grands risques qui pouvaient peser sur sa vie et sur celle de sa famille. Il a été donc à mille lieues des fuyards et des mendiants politiques de notre pays.

Les disqualifiés   

Par contre, il y a des leaders politiques comme Ibrahim Boubacar Kéita du RPM, Oumar Mariko de Sadi, Mamadou Blaise Sangaré (dans une moindre mesure) de la CDS-Mogotigiya, qui, en bons démocrates, n’ont pas pu cracher dans la marmite des putschistes. Ils ont même mangé dans ce râtelier et se sont donc compromis.

On les prenait pour des démocrates convaincus. Ils, ce sont les Ibrahim Boubacar Kéita, président du Rassemblement pour le Mali (RPM), Mamadou Sangaré dit Blaise, président de la Convention sociale-démocrate (CDS-Mogotigiya), Oumar Mariko, secrétaire général du parti de la Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi), tous candidats à la présidentielle avortée du 29 avril 2012.

Purs produits du Mouvement démocratique des années 1990, ces candidats devraient se montrer à la dimension de la respectabilité qu’on doit à une démocratie en tournant dos aux auteurs d’un crime imprescriptible contre elle. Mais que non !

Certes, IBK a été parmi les premiers à condamner le coup d’Etat, mais la tournure des événements a permis aux citoyens de se rendre compte que cette condamnation n’était que du bout des lèvres. Pas simplement par le fait d’être parmi les courtisans de l’ex-junte au moment où il devrait prendre ses distances avec elle, mais surtout en acceptant d’envoyer ses lieutenants dans les rues de Bamako pour déstabiliser le régime du président intérimaire, Pr. Dioncounda Traoré, sous le charmant prétexte d’une manifestation en vue de l’organisation des concertations nationales.

L’homme avait par la suite voulu redresser le tir, mais le coup du démocrate devenu putschiste était déjà parti. En tout cas depuis lors, IBK a perdu le terrain dans les cœurs des Maliens. Pourtant, l’homme avait toutes les chances de profiter de ce putsch pour asseoir une certaine popularité. Il lui suffisait simplement de se comporter en sage en se mettant au-dessus de la mêlée.

Ensuite, il y a le président de la CDS-Mogotigiya, Mamadou Sangaré dit Blaise. Il ne s’est pas autant affiché comme les autres, mais c’est un secret de polichinelle que l’homme a beaucoup flirté avec la junte. Et c’est fort de cet adossement qu’il croyait pouvoir éjecter l’emblématique maître de bord du Haut conseil des collectivités locales, Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara, à travers une motion de défiance. Mal lui en prit. A la place d’une motion de défiance contre celui qu’il appelait déserteur, les conseillers nationaux ont plutôt voté une motion de soutien à ce Touareg, fidèle à la République.

Ne parlons pas d’Oumar Mariko, secrétaire général de Sadi. Il a fini de brader le peu de crédit qui lui restait dans le paysage politique. Et dire que c’est cet homme qui appelait les élèves et étudiants à mourir en martyrs pour la démocratie en 1990 ! La même démocratie qu’il voulait enterrer au profit d’un putschiste !

Dans tous les cas, comme l’a dit Dioncounda Traoré dans une interview, ces leaders politiques qui ont pactisé avec le diable ne se sont pas disqualifiés pour les élections, mais se sont disqualifiés pour toute victoire.

Abdoulaye Diakité

 

Source: L’Indicateur du Renouveau