Loin de nous l’idée de défendre feu le président IBK ou son bilan exécrable à certains égards mais il faut reconnaître qu’il fut l’un des premiers à pointer du doigt les tares de la Constitution malienne.

 

Accusé, à tort ou à raison, d’avoir voulu tailler une Constitution sur mesure et de vouloir briguer d’autres mandats, feu le président a été injurié et lapidé verbalement pour son projet de révision constitutionnelle. A cette époque, est né le mouvement « antai abana”. Créé par ses détracteurs (dont certains sont des opportunistes), puisqu’ils ont fini par accepter des portefeuilles de ministres au sein du gouvernement IBK, ce mouvement a réussi à convaincre un peuple incapable d’apprécier les enjeux et la portée du projet proposé, à faire barrage.

 

Mais voilà, deux ans après le départ de l’ancien président, ce projet est initié, suite aux Assises certes, par une Transition qui a été portée au pouvoir par un hasard historique. Le pouvoir actuel décrète, unilatéralement, la constitution d’une commission de révision. La pilule passe difficilement au sein des partis politiques. Les plus virulents montent aux créneaux pour dénoncer ce qui pourrait, selon eux, être la cause d’une grogne populaire. Ils regrettent l’absence de concertation de l’ensemble de la classe politique sur un sujet aussi existentiel pour la nation.

 

Pourtant, ce décret ne devrait pas choquer outre mesure car l’article 118 attribue au président la prérogative d’initier un projet de révision. C’est donc pour un simple jeu d’intérêt que les partis pourraient s’offusquer du décret pris. Il est vrai que pour une cohésion au tour du projet, l’implication des partis politiques est souhaitable. Ce serait gage d’une démocratie pluraliste mature. Mise à part ces considérations politiques ou politiciennes, nous sommes interpellés sur un point de droit. Que fait-on de la règle posée par l’article 118 alinéa 2 de la Constitution ?

 

En effet, ce texte avait érigé en obstacles dirimants par les détracteurs d’IBK à l’époque. Selon ladite disposition, aucune révision ne peut être initiée lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. Or, à ce jour plus de 50% du territoire national échappe encore au contrôle absolu de l’État. Donc l’article 118 de la Constitution trouve bien lieu à s’appliquer à moins que l’on ne considère que les recommandations des assises, dénuées de toute valeur légale ou juridique, soient supérieures aux normes constitutionnelles.

 

Nous sommes bien conscients que dans cet imbroglio juridique qu’est l’ordonnancement juridique malien, tous les actes trouvent leurs places et des explications irrationnelles mais la cohérence peut être parfois salutaire. La révision de la Constitution est, peut-être, indispensable dans l’avenir. Mais le laps de temps dévolu à la Transition pour mener à bien les multiples chantiers ouverts, ne suffira pas pour entériner un projet de révision constitutionnelle.

 

L’urgence, donc ce qui ne peut être remis à plus tard, c’est la sécurisation du territoire. La Transition s’est engagée en ce sens, il convient de le signaler. Elle s’est mise à pieds d’œuvres. Les maliens le reconnaissent et saluent la bravoure des FAMAS. Mais les derniers événements en date, le massacre de pauvres innocents (paix à leurs âmes), prouvent bien que la Transition a une priorité plus urgente qu’une révision de la Constitution.

 

La guéguerre avec les politiciens à propos des modalités de la révision doit cesser. La Transition n’a ni le temps ni la mission de réviser la Loi fondamentale. Une telle révision ne peut peut-être décidée et effectuée à la hâte tant les enjeux sont importants. Il faut, si l’on veut prendre en compte nos réalités et adapter la Constitution, prendre le temps de murir les réflexions sur les questions cruciales sur la Refondation de l’État.

 

Dr DOUGOUNÉ Moussa

Source : Le pélican