Creuser des tranchées, s’installer dans une drôle de guerre avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), telle que la tendance se dégage clairement en ce moment dans le pays, serait la pire des farces que l’on pourrait servir à tous ceux qui se tordent de rire de notre ramdam.

 

En effet, dans une situation politique qui se caractérise par un vide des idées des profito-situasionistes, rempli comme on le voit par la violence des arguments, par les applaudissements des rentiers politiques et leur médiocrité subventionnée, houspiller et brinqueballer la CEDEAO transformée pour les besoins de la cause en ennemi public numéro un, c’est se tromper de focale et surtout se montrer agnosique. Parce que le Mali est membre fondateur de cette organisation qui a parrainé l’intervention de notre ‘’partenaire historique’’ pour stopper l’avancée fulgurante de la horde jihadistes vers le Sud, en 2013. C’est cette organisation dont la sollicitude n’a jamais fait défaut à l’égard de notre pays. Cela aussi est une réalité.
Au lieu de la ‘’bloody-nose strategy’’ des Américains, la stratégie du bourre-pif (cogner d’abord et parler ensuite), d’enflammer les relations, il serait de bon ton de mettre au pas nos divergences avec l’organisation sous-régionale découlant de nos propres choix ‘’ab initio’’ timorés et mal assumés. On ne demande pas à nos voisins dont nous sommes pourtant les inspirateurs, à la grande différence que notre coup d’Etat avait toutes les allures d’une révolution de palais contrairement à leur bain de sang, d’honorer des échéances parce qu’ils n’en ont pas établi. Ils n’ont rien promis à personne et le soleil continue de se lever à l’est.
A présent que nous découvrons les vertus du plan B comme dans l’affaire WAGNER que certains considèrent à tort ou à raison comme un plan de changement de sous-traitant sécuritaire, un plan B politique s’impose et est bien en marche, à savoir les Assises nationales de la Refondation (ANR). Ces consultations perçues comme superfétatoires par certains, à l’instar des Partis et Regroupements des partis politiques du Cadre d’échange pour une Transition réussie au Mali, dont la cohésion est mise à très rude épreuve au fur et à mesure qu’approche l’échéance, pourraient infléchir la ligne rigide de la CEDEAO.
Mais, il faudrait bien parler au conditionnel, parce que, non seulement entre les autorités de la Transition et la Conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO, il y a eu des engagements non conditionnels, dont le peuple n’a eu que rétrospectivement connaissance de bribes, mais également parce que les dispositions communautaires s’appliquent à tous les Etats membres. Ainsi, dans la recherche de rebouteux, ce qui est annoncé n’être qu’une formalité, risque de n’être en réalité qu’une étape de plus dans un long chemin de croix.
C’est pourquoi, après le niveau de décibels auquel CKM a poussé la voix pour se faire entendre, lors de la 76e Assemblée générale des Nations-Unies, il est temps de baisser le volume des objurgations, de l’écholalie contreproductive des matamores ; de réduire la voilure des ambitions toute théorique d’un Etat souverain…, de changer radicalement de paradigme pour privilégier l’intelligence du collectif. Les voltigeurs dézingueurs de service doivent également changer de plan de vol.
Nous nous devons tous de sortir de l’émotionnel d’un souverainisme pour surmonter le pataquès autour de l’organisation d’élections présidentielle et législatives transparentes, libres et démocratiques acceptée par tous les acteurs politiques. Ce, en toute lucidité, en toute responsabilité. Parce qu’en gros, on est toujours aussi suffisants, mais pas autosuffisants.
Parce que les autres ne sont pas nés de la dernière pluie pour se laisser embrouiller par des appareils bruiteurs chargés à bloc. Comme dirait le chanteur : «Ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fera baisser la fièvre ». On gagne toujours à regarder la réalité en face.

PAR BERTIN DAKOUO

Source : Info-Matin