Où va le Mali ? Le pays est entre les mains de trois mousquetaires atypiques, inattendus et incorruptibles  qui s’emploient à mettre un coup de pied dans la fourmilière. Des anges sourds aux cris de demande de clémence qui vont frapper là où il faut sans pitié.

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L’exécutif du Mali est coaché par Ibrahim Boubacar Keita, président de la République et chef de l’Etat. Il a pour second un certain Oumar Tatam Ly, Premier ministre, et grand inconnu devant l’eternel. L’attelage est complété par le chef du premier des ministères, Mohamed Aly Bathily, ministre de la justice et garde des sceaux. L’on sait que les trois mousquetaires  d’Alexandre Dumas étaient quatre. Alors, qui est le fameux quatrième larron de nos trois zouaves ? Le poste vacille entre deux prétendants, deux vieux, bien sûr. « Boubeye » semble tenir la corde face à Sada samake et l’on attend la fin du match pour décider.

 

En attendant, le pays est entre les mains, dans l’ordre ascendant, d’un juge devenu avocat par révolte et dépit amoureux (il aimait bien la toge mais ne supportait plus les magouilles du milieu des magistrats.  Et il a sauté de l’autre côté du prétoire pour la robe de ceux qui roulent la manche (Guy Des Cars). L’arrestation de juges, de procureurs et de clercs d’huissier auxquels nous venons d’assister ont jasé dans les chaumières : « c’est un revanchard qui règle ses comptes avec ses anciens collègues.. », disent certains.  Toujours est-il qu’en se comportant autrement avec les juges indélicats (la poursuite au lieu du traditionnel changement d’affectation) le juge devenu avocat a semé la trouille dans le milieu d’origine. En frappant fort, Bathily  se montre « sans pitié » conformément au troisième slogan de Ben Boubacar Kéita (les deux étant : « nul n’est au dessus de la loi » et «  tolérance zéro »). Il apparait donc comme certains disent un « aigri sans pitié » qui met en musique la partition écrite par IBK.

 

 

Dans cet ordre d’idée, il est permis de penser que Mohamed Aly Bathily le soninké (ils sont réputé aimer l’argent) ne sera acheté par personne, ni par sentiments (il n’en a pas) par biens matériels (il en a). Il pouvait avoir plus, et plus facilement, étant juge mais il préférait rester libre (notamment de l’argent sale de Me Fanta Sylla)  et en harmonie avec ses idéaux. Donc, le chef de l’Etat ne faiblit, ne change pas d’avis et ne varie pas sur le thème, alors il est permis de penser que le ministre Bathily lavera propre la maison justice. Il revient aux Maliens de l’y aider. Le feront-ils ? Une autre paire de manche.

 

 

Je ne  te connais pas, je ne te fais pas pitié

Sur la même longueur d’onde mais autrement, nous avons Oumar Tatam LY, Premier ministre de son état et chef du gouvernement. Le banquier est intellectuellement calé, professionnellement archi compétent et financièrement indépendant- tout comme son ministre de la justice donc. Pm ou pas, il peut-grassement gagner sa vie partout dans le monde- chose qui manque à bien de nos politiciens et qui les oblige à… . Comme le garde des sceaux Ly n’est pas à vendre. En plus, il s’agit dans le microsome politique d’un illustre inconnu qui n’a pas eu à trafiquer avec un Daf, un Sg ou un ordonnateur de budget. Donc, « Si tu dis le mien je dirais le tien » se complique en variation sur le thème : » Je ne te connais pas, je ne te fais pas pitié » conjugué avec : « Je suis libre de ne pas jouer à ce jeu ».

 

 

Le plus jeune énième Pm indépendant du Mali (après Soumana  Sako, bien sûr) risque donc de se montrer lui aussi « sans pitié », à l’image du maître du Mali qui a répété trois fois de suite à la face du monde : » Je serais sans pitié » ; et ceux après avoir martelé le fameux « tolérable zéro » à qui veut l’entendre. Contrairement à Bathily, il n’est pas taxé de revanchard aigri. C’est donc la rigueur de la loi et de la vérité qui vont guider ses pas.

 

 

IBK par contre est vu par certains comme un rancunier et un aigri qui va assouvir sa soif de vengence. Sur quel raisonnement repose cette assertion ? Elle est longue et tirée par les cheveux, mais voyons. Il serait, aux tous débuts, l’employé d’une Ong que personne ne connait, « Terre des Hommes » devenu rapidement le Premier ministre le plus puissant que le Mali ait jamais connu (1993-2000). Pendant ce temps, il était le président du parti le plus puissant du pays, celui qui fait seul la pluie et le beau temps (le chef de l’Etat étant relégué au second plan). Et il était promis qu’il devait ipso facto succéder à Alpha Omar Konaré.

 

 

Au lieu de cela, IBK se retrouvera dans la rue et va errer hors du Mali comme une âme en peine. En 2002 cependant, il est l’homme fort chez les politiques, devient président de l’Assemblée nationale et jouit de la détention d’une trentaine de députés. Joie de courte durée. L’année suivante, à l’occasion du renouvellement annuel du bureau de l’Assemblée nationale, il paie cher le prix de son changement d’alliance et perd tout. Il est un général sans armée ; président de l’Assemblée nationale mais seul et sans poids. La législature suivante, il peine à acquérir une écharpe et devient simple député parmi les députés. En 2007, il perd la présidentielle avec beaucoup d’amertume pour lui et ses amis du…Fdr! Depuis, son parti se mourrait à petit feu et lui-même avait son avenir derrière lui.

 

 

Bref, chez les tenants de cette logique, IBK est un « aigri » de retour et c’est pour cela qu’il sera sans pitié.

 

 

Si cette manière de poser les choses était correcte, alors le Mali aura à sa tète un trio de « sans pitié », une paire de vieux « aigris » et un jeunot inconnu et sans attaches politiques et politiciennes. Alors, question : va-t-on vers la vengeance ou la fin de la gabegie, de l’impunité » et du laisser-aller irresponsable ? Nous préférons nettement la seconde hypothèse et espérons avec la majorité écrasante des Maliens que ce que nous voyons est un début et non un feu de paille. L’Histoire réservera une grande place à IBK s’il continuait à nettoyer les écuries d’Augias.

Amadou Tall

SOURCE: Le Matin