Depuis un certain moment, le Mali est devenu une poudrière en puissance, tellement son tissu social est miné par la misère, le chômage, l’exode rural et l’émigration, le corona virus et d’autres pandémies. Un peu partout, sur le territoire, des foyers de tension s’allument ou se réveillent, hypothéquant l’existence de tout un peuple.

La persistance de cette crise multidimensionnelle est le reflet d’un système de gouvernance qui a atteint ses limites. Vraisemblablement, la crise actuelle et le réveil des consciences sociales, visible dans la forte demande des populations (en démocratie, en mieux-être, en éducation, en sécurité, etc.) sont aussi les signes que la société malienne est en transition politique, sociale et culturelle.

Pour période de la transition, l’ensemble des acteurs étatiques et privés sont unanimes sur le fait qu’elle représente une opportunité unique de transformations institutionnelles, politiques et économiques au Mali.

Maîtriser ces transformations profondes, signifie élaborer un agenda précis et cohérent qui situerait un certain nombre de propositions, dans des domaines où des actions de refondation de l’Etat sont souhaitées.

Les propositions ci-dessous permettent d’esquisser des perspectives et, surtout, d’ouvrir le débat sur des pistes refondation de l’Etat afin d’assurer l’équilibre des pouvoirs, de rationaliser, de crédibiliser et de légitimer les institutions.

Il s’agit entre autres de :

L’adaptation de l’Etat à la réalité de notre société plurinationale. L’Etat plurinational doit permettre de prendre en compte la complexité de la société malienne, en reconnaissant que l’Etat du Mali est la somme de plusieurs nationalités sociologiques (unité dans la diversité).

Le constitutionnalisme inspiré des valeurs maliennes. La reconnaissance du statut des nationalités sociologiques conduit nécessairement à accepter l’idée de l’existence et de la légitimité de droits particuliers propres aux différentes nations sociologiques constitutives de l’Etat du Mali qui est plurinational. L’architecture institutionnelle (future révision constitutionnelle) d’un tel Etat devra alors être conçue pour offrir des lieux de génération et de légitimation du droit, selon que l’on traite des droits particuliers ou du droit général.

Légitimation des principes électoraux et de représentativité. Le principe du gouvernement de la majorité doit être maintenu, moyennant des aménagements profonds du système de représentation. Il est nécessaire que dans les conseils communaux, échelle à laquelle sont gérées la plupart des affaires relevant des droits particuliers, le mode de dévolution du pouvoir permette l’expression des légitimités (traditionnelles et religieuses) propres aux différentes communautés.

La prise en compte des autorités traditionnelles et religieuses dans la gestion des affaires publiques. Les autorités traditionnelles et religieuses gardent une grande influence, surtout dans les campagnes. Le dialogue entre cette légitimité traditionnelle et les modalités nouvelles d’organisation locale, exige une reconnaissance mutuelle.

La formation des alliances positives avec les « élites locales ». Les élites « locales » (qu’elles émanent de la coutume, de la religion ou simplement d’un pouvoir économique) constituent des relais de médiation et de mobilisation sociale, du fait de leur crédit moral ou de leur poids économique.

La lutte contre l’instrumentalisation des particularismes. La construction d’un Etat plurinational, par la reconnaissance de fait des différentes nations qui composent l’Etat, l’octroi à toutes ses composantes sociologiques des privilèges attachées au « droit de fondation », réduirait déjà considérablement la stigmatisation des consciences nationales et les nombreuses sources de conflits qui déstabilisent le Mali.

La promotion des langues nationales. La construction et la codification du « commun désir de vivre ensemble » doivent se faire dans les langues et dans les références culturelles que ces communautés comprennent.

La création d’espaces de cogestion. La rationalité de l’octroi du pouvoir privilégiant la nation sociologique sur le territoire, des espaces politiques de co-gestion peuvent alors être créées entre ces différentes communautés, réduisant la logique des « purifications ethniques ».

Par Idrissa Sanogo, Membre de l’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique – Médiation du Mali.

 Source: Bamakonews