Un tour d’horizon a permis de recueillir l’avis des médecins et des acteurs politiques ainsi que celui des experts du comité scientifique pour cerner les stratégies gouvernementales pour faire face à la désinformation qui sape la campagne de vaccination anti-Covid.

 

Depuis mi-mars, le vaccin AstraZeneca suscite beaucoup de controverses dans nombre de pays européens. Une déclaration de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le 17 mars, a donné à comprendre que les avantages du vaccin l’emportent sur les risques. Aussi, le communiqué de l’Agence européenne des médicaments (EMA), publié le mercredi 7 avril, confirme-t-il l’avis de l’OMS sur le vaccin AstraZeneca tout en jugeant que les caillots sanguins devraient être ajoutés aux effets secondaires rares.

Au Mali, le ministère de la Santé et du Développement social a sonné le début de la campagne de vaccination, le mercredi 31 mars. Ainsi, à la date du jeudi 8 avril, on comptait 12 282 personnes vaccinées dont 7382 hommes et 4900 femmes, tous volontaires. Quant au reste de la population, des méfiances vis-à-vis du vaccin AstraZeneca planent malgré l’assurance des experts. Au sein même du personnel sanitaire, il y a des réserves et nombre de médecins ont refusé de se faire vacciner.

Des volontaires pour le vaccin

Il y a tout de même des volontaires pour le vaccin : il s’agit de tous ceux qui se sont fait vacciner ou qui souhaitent le faire. On en trouve du côté du personnel soignant, des personnes à comorbidité et des citoyens ordinaires. « Je me suis fait vacciner le jeudi 1er avril. Car, étant les premiers vecteurs pour véhiculer la maladie, nous avons une responsabilité vis-à-vis des parents et des proches. Avec la vaccination, j’aurai une certaine immunité contre le virus », a déclaré Dr Alou Sangaré, cardiologue au Centre hospitalier universitaire du Point G.

Dr Habib Danioko, technicien supérieur de santé, clinique Bénédiction à Quinzambougou, actuellement vacciné, s’est dit favorable à la vaccination bien que sa clinique n’ait pas reçu de doses. Ils sont avec des agents du CHU du Point G qui se sont fait vacciner et vaquent à leurs occupations.

Les volontaires pour le vaccin ne se limitent pas qu’au seul personnel soignant. Mariam Keïta, 62 ans, diabétique, vaccinée au Centre de santé de référence de la commune VI, estime que la vaccination est une nécessité. Son âge fait d’elle une personne à risque. Elle s’est renseignée et avec le soutien de son fils elle a pu faire la vaccination. « Dans les 48 heures qui ont suivi, j’ai eu des courbatures et j’avais un peu mal au point d’injection. Mais grâce à Dieu, je ne ressens plus rien », dit-elle.

Youssouf Sow, vendeur de bazin aux Halles de Bamako, fait savoir que le vaccin AstraZeneca n’est pas bien apprécié dans son entourage. Certains ne croient pas à l’existence de la Covid-19. Il est à noter qu’une frange importante de la population ne souhaite pas se faire vacciner et les arguments ne manquent pas.

Méfiance

Dans la capitale malienne, les citoyens hostiles au vaccin AstraZeneca sont parmi le personnel soignant, des personnes à risque ainsi que du côté des gens ordinaires.

Mamadou Togola, enseignant, fait savoir d’emblée : « Je ne compte pas me faire vacciner et je n’invite aucun membre de ma famille à le faire. Je suis des informations sur les réseaux sociaux, les chaînes étrangères, on parle d’effets secondaires graves tels les caillots sanguins, entre autres. »

Aïcha Traoré, la trentaine, ménagère domiciliée à Banconi, martèle : « Même si on m’offrait de l’argent, je ne me ferais pas vacciner. Ils essayent de tester leur vaccin sur nous. On ne doit pas se laisser faire, et puis on dit que les vaccins qui sont chez nous sont gratuits, donc ce n’est pas bon », dit-elle assise avec un groupe de femmes toutes partageant le même avis.

Que pensent les scientifiques maliens ?

Pr Attaher Dicko, Directeur de l’Hôpital du Mali, explique : « Au stade des connaissances que nous avons, les bénéfices du vaccin AstraZeneca l’emportent sur ces inconvénients. En tant que scientifique, nous encourageons les gens à venir se faire vacciner. Car je suis convaincu que la vaccination est le meilleur moyen pour briser la chaîne de contamination du virus ».

Pour cet autre professeur, Yaya Ibrahim Coulibaly, Chef du département formation et recherche à l’Hôpital de dermatologie, « la décision des gens ne doit pas être basée sur les réseaux sociaux, car ceux qui publient ne maitrisent pas. Tout ce qu’ils disent peut être infondé. »

Pour sa part, le Pr Akory Ag Iknane, expert et coordinateur du comité scientifique du ministère de la Santé et du Développement social [il a quitté son poste en mai 2021], reste convaincu de la fiabilité du vaccin AstraZeneca. Toutefois, affirme-t-il, « comme tout vaccin, il se peut que certaines personnes manifestent des réactions après injection. Il est de leur devoir de se diriger vers des hôpitaux ».

Effets secondaires moins sévères

Maux de tête (Céphalées), courbatures sont entre autres plaintes enregistrées de la part de certaines personnes vaccinées dans des hôpitaux et Centres de santé de référence. Mais, le cas de deux personnes a occasionné un court séjour aux urgences de l’Hôpital du Mali.

Dr Boubacar Sidiki Dramé, point focal Covid-19 à l’Hôpital du Mali, précise que « les deux personnes présentaient des réactions moins graves ». Et d’assurer : « Lorsqu’on fait un vaccin, il arrive que l’organisme des gens réagisse différemment. Car l’organisme doit produire des anticorps contre la maladie en cause. Mais, il est nécessaire que les réactions soient prises en compte et celles-ci doivent être mineures pour ne pas porter atteinte à la vie de la personne. En médecine, tout ce que l’on fait comporte des risques », continue Dr Dramé.

Stratégies gouvernementales

« Au Centre national d’information, d’éducation et de la communication pour la santé (CNIECS), il y a une unité de gestion de toutes les rumeurs sur la maladie à coronavirus, où l’Antenne (centre d’appel téléphonique) récolte les rumeurs. Elles sont traitées par cette unité », explique Souleymane Traoré, chef du département animation, suivi et évaluation. Et de poursuivre : « Il y a un guide de gestion des rumeurs qui a été élaboré. Une unité de gestion a été mise en place, composée des départements clés et des partenaires comme l’Unicef et l’OMS. Les rumeurs sont récoltées par l’Antenne et c’est l’unité qui analyse, traite et pose l’action. C’est au CNIECS de transformer en messages diffusés sur les médias ».

A cela s’ajoute une autre stratégie du centre en cours d’élaboration, selon notre interlocuteur, celle des « influenceurs » : il s’agit de personnes recrutées pour suivre les médias et donner une réponse directement en cas de rumeurs.

Source : Benbere