Pour la non interdiction des pratiques relatives aux mutilations génitales féminines (MGF), des organisations de défense des droits des femmes ont déposé, le 12 avril 2021, une plainte contre le Mali devant la Cour de Justice de la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à Abuja, au Nigéria. Ces organisations reprochent au gouvernement du Mali de ne pas pouvoir instaurer une loi criminalisant la pratique dans le pays.

Il s’agit entre autres de Equality Now, Institute for Human Rights and Development in Africa (IHRDA), l’Association Malienne pour le Suivi et l’Orientation des Pratiques Traditionnelles et l’Association pour le Progrès et la Défense des Droits des Femmes au Mali. Lesdites organisations poursuivent le gouvernement du Mali pour son manque de rigueur dans la lutte contre les pratiques des mutilations génitales féminines.

Selon les organisations plaignantes, au moins 89% des femmes et des filles maliennes âgées de 15 à 49 ans ont été victimes de cette ‘’pratique néfaste’’ et 73% des filles maliennes subissent l’excision avant leur 15e anniversaire, selon l’Enquête Démographique et de Santé réalisée en 2018.

« À l’heure actuelle, aucune législation ne traite des MGF, laissant les femmes et les filles sans recours ni protection contre cette violation des droits humains. La plainte, déposée par Equality Now, IHRDA (L’Institut pour les droits de l’Homme et le développement en Afrique), l’Association Malienne pour le Suivi et l’Orientation des Pratiques Traditionnelles (AMSOPT) et l’Association pour le Progrès et la Défense des Droits des Femmes, cherche à tenir le gouvernement malien pour responsable dans son incapacité à protéger les filles et les femmes maliennes contre les MGF », peut-on dans le communiqué officiel des organisations. S’exprimant à Nairobi après le dépôt de la plainte, Faiza Mohamed, directrice du bureau d’Afrique d’Equality Now, a déclaré que les MGF étaient une violation grave et systémique des droits des femmes et des filles au Mali et que le gouvernement avait failli dans son devoir de diligence.

Elle a aussi estimé que les MGF de type II (excision) sont la forme la plus courante, touchant 48,9% des femmes et des filles âgées de 15 à 49 ans. Les types IV (entailles) et III sont également pratiqués dans le pays. « Nous avons lancé plusieurs appels au Mali au cours des 18 dernières années, l’exhortant à honorer ses obligations nationales, régionales et internationales de protection envers les femmes et les filles contre cette pratique néfaste. Cependant, ceci n’est toujours pas fait, et nous ne pouvons plus rester à ne rien faire, car des milliers de femmes et de filles au Mali continuent d’être soumises aux MGF », ajoute-t-elle.

Du même communiqué, il ressort qu’en juin 2020, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) a signalé que l’échec du gouvernement malien à criminaliser les MGF mettait en danger la vie et le bien-être des femmes et des filles dans le pays. Aussi, le rapport de la CEDEF a révélé que le Mali avait le taux de prévalence des MGF le plus élevé parmi les filles âgées de 0 à 14 ans en Afrique de l’Ouest. Le rapport note également que des filles des pays voisins ayant interdit et criminalisé la pratique, sont emmenées au Mali où elles subissent l’excision. Cela, pour éviter des poursuites dans leur pays respectifs. Le Comité a donc exhorté le Mali à prendre des mesures supplémentaires pour collaborer avec d’autres pays de la sous-région pour éliminer les MGF transfrontalières.

Ainsi selon lesdites organisations de défense des droits des femmes, le Mali n’a pas criminalisé les MGF bien qu’il ait ratifié la CEDEF et le Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (Le Protocole de Maputo). Toujours du rapport de la CEDEF, il ressort qu’en 2002, les chefs religieux ont bloqué l’adoption d’un projet de loi qui aurait conduit à l’interdiction des MGF au Mali. « Depuis lors, il n’y a eu aucune autre tentative de la part des pouvoirs publics de criminaliser les MGF, l’État objectant qu’une loi anti-MGF rendrait la pratique secrète », précise le rapport.

Le Directeur exécutive d’IHRDA, Gaye Sow, a expliqué que l’affaire avait le potentiel d’établir un nouveau jalon dans la jurisprudence des droits des femmes et des filles en Afrique. «Cette affaire inciterait non seulement la Cour de la CEDEAO à rendre une décision contraignante sur la situation des MGF au Mali, mais établirait également un précédent juridique et une norme applicables non seulement au Mali et en Afrique de l’Ouest, mais aussi dans toute l’Afrique dans son ensemble », a-t-il expliqué.

Du côté de l’Association pour le Progrès et la Défense des Droits des Femmes au Mali (APDF), c’est l’attente de la réaction de la Cour de Justice de la CEDEAO. Interrogée sur la question, la présidente de l’APDF, Mme Diawara Bintou Coulibaly, confirme la procédure engagée contre le Mali avant d’inviter les médias à les accompagner.

Amadou Kodio

Source : Ziré