Arrivés au bercail ce mercredi 25 octobre 2017, les 138 ressortissants Maliens expulsés d’Algérie ont vécu un véritable enfer dans le Sahara. Depuis leur arrestation à Alger en passant par Tamanrasset, la dernière région algérienne avant la frontière nigérienne, jusqu’au Mali, ces « rescapés » de la mort narrent leur traversée du Sahara, un périple au cours duquel plusieurs de leurs compagnons d’infortune sont morts.

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Adama Konaté, 28 ans, originaire du village de Mokoyafara Djoumoko, cercle de Marena (Kayes) a quitté le Mali pour l’Algérie au mois de mars 2016 à la recherche d’un fonds de commerce. Notre interlocuteur était à sa première tentative d’immigration. Il a passé un an et 4 mois à Alger dans la capitale Algérienne avant d’être arrêté un jeudi après midi par deux hommes en civil. « Cela s’est passé, il y a deux semaines de cela. Je revenais de mon service où je chargeais des cartons d’emballage de produits d’une usine. Je ne savais même pas qu’ils étaient des policiers. Ils m’ont menotté et m’ont amené au commissariat de police. Arrivée au commissariat, ils m’ont placé en garde à vue», témoigne Adama Konaté. Le jeune homme, loin de s’imaginer de ce qui allait se passer, va ainsi subir un véritable calvaire avant de pouvoir rentrer au Mali. « Quand j’ai été arrêtéj’avais juste 100 000 dinars Algérien qui équivaut à 150 milles f CFA environ. Je n’ai même pas pu récupérer mes bagages. Ils m’ont amené dans une grande cour où se trouvaient déjà plusieurs ressortissants africains noirs. Certains ont été battus et dépossédés de leurs téléphones etc. » De la capitale algérienne, Adama Konaté sera transporté, trois jours plus tard, par bus à Tamanrasset, la dernière région algérienne avant la frontière nigérienne. « À Tamanrasset, ils nous ont infligés toutes sortes de punitions parfois à coup de matraque ou avec le courant électrique. En plus, ils ont aussi procédé à des fouilles pour prendre de l’argent et des téléphones portables à certains. »

Après l’étape de Tamanrasset, Konaté, avec d’autres subsahariens, sera mis dans un camion frigorifique pour le Sahara, vers la frontière du Niger. A ce niveau, souligne-t-il, nous avons marché environ 50 kilomètres pour rallier la frontière nigérienne. «  Il a fallu le secours des militaires nigériens sinon certains n’allaient jamais pouvoir rallier la frontière. » Du Niger, Adama Konaté et 137 de ces compatriotes ont été rapatriés au Mali grâce au gouvernement malien en partenariat avec l’OIM. « A Bamako, on a remis à chacun la somme de 52 000 FCFA pour nous permettre de rejoindre le village natal», explique- t-il.

Mohamed Touré, âgé de 26 ans et natif de Nara, dans la région de Koulikoro, rapatrié d’Algérie, en plus de subir des sévices corporels, a été témoin de la mort d’un sénégalais qui a été tabassé à mort. « J’ai été arrêté devant le commissariat un vendredi à mon retour de la prière. Après avoir arrêté une dizaine de noirs, ils nous ont amené dans un camp militaire pour un soi-disant bilan médical. Ensuite, on a été conduit à Tamanrasset. Il n’est pas facile d’aborder toutes les difficultés rencontrées avant de rallier Bamako. Ils ont tabassé un sénégalais à mort. J’ai été également témoin d’un cas très surprenant où un jeune homme guinéen a été tabassé après son refus d’avoir un rapport sexuel avec un militaire algérien. J’ai reçu plusieurs coups de matraques. J’ai crié de toutes mes forces comme si j’allais mourir. C’est ainsi que l’un de leurs responsables hiérarchiques est intervenu pour qu’ils arrêtent de me frapper », explique Mohamed Touré. Le jeune homme se plaint de l’inaction des autorités maliennes basées à Alger. «  Vraiment ça a été un parcours très difficile, nous n’avons même pas senti des réactions de la part de l’ambassade du Mali en Algérie. Je me débrouillerais ici afin de trouver quelque chose sinon je ne compte plus retourner en Algérie», a-t-il expliqué. Mahamadou dit Mari Baba Soukouna, 20 ans ressortissant de Tènè, dans la région de Mopti, a été arrêté, aux environs de 20 heures par des gendarmes, jusque dans son abri où il passait la nuit dans un chantier. Il a laissé ses économies, 500 dinars algériens, derrière lui à Alger.

« Je suis arrivé en Algérie en 2015 où j’ai passé un peu moins de 2 ans sans aucune difficulté mais les autorités ont commencé avec les arrestations des étrangers noirs ces derniers temps. Pendant mon séjour en Algérie j’avais pu économiser la somme de 500 milles dinars que je n’ai pas pu prendre au moment de mon arrestation», a-t-il indiqué.

Moussa Dagnoko

Source: Le Républicain