Bamako, 29 novembre (AMAP) Selon Erika Nimis, auteure du livre «Photographes de Bamako de 1935 à nos jours», les Rencontres de la photographie de Bamako restent le point de départ d’un mouvement de reconnaissance de la photographie africaine sur le plan international. Si les Rencontres africaines de la photographie ont été institutionnalisées en 1994, la photographie a longtemps existé en Afrique, particulièrement au Mali, depuis les années 1800 à la faveur des missionnaires lors de la pénétration coloniale. C’est à partir de cette époque que les Soudanais (appellation des Maliens avant l’indépendance) vont  découvrir les images photographiques en noir et blanc.

Après des années de pratique par des pères blancs pour des besoins de documentation et de recherches sur la société africaine, certains Soudanais curieux vont découvrir l’invention de Nicéphore Niepce. C’est la naissance de la première génération des photographes maliens, notamment Mountaga Dembélé, Seydou Keita, Abderrahmane Sissako, Félix Diallo, Malick Sidibé, Sadio Diakité pour ne citer que ceux ci. Cette première génération de photographes a travaillé sur le portrait et le quotidien de la société africaine.

Après une première édition plein d’engouement, les initiateurs des Rencontres de Bamako vont se donner comme objectif de découvrir davantage les génies créateurs de la photographie africaine et de les exposer à travers le monde. Cette première génération des photographes sera suivie par certains jeunes photographes qui vont constituer, plus tard, la deuxième génération des photographes maliens dont la plupart a été révélé lors de la deuxième édition des Rencontres africaines de la photographie. Il s’agit de Youssouf Sogodogo, feu Alioune Ba, Emmanuel Bakary Daou qui se sont démarqués par leur travail de recherche contemporain, notamment Alioune Ba qui a laissé son empreinte dans beaucoup de pays, à travers ses œuvres intitulées, «pieds et mains».

Si les photographes de première génération ont pu fasciner le monde à travers leur objectif en remportant des prestigieux prix comme le Lion d’or de Malick Sidibé, tel n’est pas le cas pour la nouvelle génération, malgré la création de plusieurs centres de formation et la matérialisation de la Maison africaine de la photographie.

L’IDÉE DES RENCONTRES – L’organisation administrative de cet événement international était confiée à une commission  sous la tutelle du ministère malien de la Culture qui nommait un directeur des rencontres. Il faut attendre 2003, soit 10 années après les premières rencontres, pour voir créer la Maison africaine de la photographie de Bamako dont la mission principale est l’organisation des Rencontres africaines de la photographie. Les organisateurs sont au nombre de trois, à savoir l’artiste peintre Abdoulaye Konaté, le sociologue Moussa Konaté et l’archéologue Samuel Sidibé.

La présente édition est  confiée à Lassana Igo Diarra, opérateur culturel privé, comme délégué général des Rencontres de Bamako. C’est à la faveur d’une image du photographe Seydou Keita, lors d’une exposition aux Etats-Unis que deux photographes français, Bernard Descamps et Françoise Huguier, ont décidé de venir à Bamako  pour comprendre l’histoire de la photo dans le continent noir, notamment au Soudan français. Ce fut une surprise pour eux de découvrir que les Africains sont de grands artistes. Pendant plus d’un demi de siècle, les photographes maliens avaient, soigneusement, classé leurs archives (clichés) sans imaginer que des rencontres allaient même exister, un jour. C’est ainsi que les premières rencontres ont vu le jour, avec le soutien de l’Afrique en création, une structure française qui soutenait la création africaine à l’époque. En décembre 1994, la première édition a été lancée à Bamako, au Palais de la Culture Amadou Hampaté Ba, sur les rives du fleuve Djoliba.

L’événement, tant souhaité, a été lancé par le président malien d’alors, Alpha Omar Konaré, grand défendeur de l’art et de la culture africaine. Ce fut un véritable engagement de la part des autorités maliennes qui ont favorablement accueilli l’implantation d’un évènement à caractère international sur le sol de Soundjata Keita. Le premier flash fut déclenché par le président pour montrer l’importance qu’accorde la République à la créativité et à la photographie.

D’édition en édition, les photographes s’investissent pour répondre à l’exigence de la création contemporaine. Cela va vite favoriser l’émergence de jeunes photographes africains qui vont vite s’orienter dans la création contemporaine. C’est ainsi qu’ils vont déposer leur valise dans les grands festivals de l’art contemporain comme celui de Arles, en France ou Da’kart, au Sénégal. Parmi ces jeunes créateurs, les Maliens Seydou Camara,  Moussa Kalapo, Aboubacar Traore, Salif Traoré,  Thabiso Sekgala d’Afrique du Sud, le Sénégalais, Ibrahima Thiam…

Vingt cinq années après sa création, la Biennale de Bamako est devenue une référence incontournable dans le paysage de l’art contemporain international même si, ellereste, toujours, en Afrique un événement moins populaire que le Fespaco du Burkina Faso et  le Masa de la Côte d’Ivoire. Les Rencontres de la photographie africaine de Bamako, initiées par la France et le Mali,  sont une manifestation artistique et culturelle, à caractère international, axée sur la création photographique du continent africain et de la diaspora. Elles constituent un credo d’échange et de dialogue permettant aux artistes photographes de mettre en valeur leurs créativités et de rejoindre le show-biz de l’art contemporain. Elles sont organisées, tous les deux ans, sur la base d’un travail de recherches proposé par des photographes et d’autres créateurs connexes comme les vidéastes.

Nous sommes en 2007, soit douze années après sa création, les organisateurs ont décidé de faire une évaluation en vue de mesurer l’impact des rencontres sur la promotion et le développement de la photographie contemporaine. Cette réflexion, tenue au Centre international de conférences de Bamako (CICB) a permis de changer, pour un premier temps, le nom de la Biennale de la photographie africaine. Pour certains experts du domaine, notamment, Simon  Njami, l’un des grands artisans des rencontres pour avoir dirigé cinq éditions, il n’existe ni la photographie africaine ni européenne mais des regards africains ou européens. Cette philosophie a été soutenue par plusieurs critiques lui permettant de changer le libellé des Rencontres de la photographie africaine pour devenir Biennale africaine de la photographie.

Il a, aussi, été question de penser à rentabiliser économiquement l’événement qui était, toujours budgétivore, cofinancé par le gouvernement du Mali, la France et l’Union européenne (UE).

TEMPS DE PAUSE – Si les rencontres ont été légèrement reportées à l’an 2000, lors de la 4èmeédition, pour rejoindre une année impaire en 2001, elles ont été freinées en 2012 après l’éclatement de la crise malienne. En effet, les Rencontres de Bamako n’ont pu être organisées pour des raisons d’insécurité, car le Mali était placé dans la zone rouge/orange.

Les Rencontres de Bamako ont observé un temps de pause avant de continuer en 2014, sous la direction artistique de la Nigériane, Bisi Silva, qui a redonné l’espoir aux photographes et créateurs africains à poursuivre leur voyage dans l’univers de l’art contemporain.

La Biennale africaine de la photographie est, aussi, une histoire des grands professionnels de l’art visuel, des critiques d’art, des commissaires d’exposition, des collectionneurs et des amateurs de l’art contemporain. Parmi eux, on peut  retenir le Camerounais  Simon Njami qui continue de soutenir les Rencontres, à travers des conférences, des formations et des tables rondes pour des séances de critiques des œuvres.

Pendant un demi de siècle d’existence,  les Rencontres ont été dominées par une série de thématiques traduisant le contexte dans lequel le monde évolue. Elles invitent, à  chaque édition, les artistes à jouer leur partition pour le développement et la restauration d’une paix dans nos pays. C’est pourquoi cette année, le commissaire invite les artistes sélectionnés à travailler sur le courant de la conscience, sous la direction artistique de Bonaventure Soh Bejeng Ndikung et Lassane Igo Diarra, commissaire général de la 12èmeédition des Rencontres de Bamako dont l’ouverture est prévue, samedi, au Musée national du Mali.

AS/MD (AMAP)