Combien d’enfants faut-il désormais sauver au Mali pour avoir un emploi dans la fonction publique et un véhicule de fonction? Cette question a son pesant d’or.

 

Lorsqu’Emmanuel Macron naturalisait le jeune Mamoudou Gassama en l’intégrant dans le corps des sapeurs-pompiers français pour avoir sauvé la vie d’un enfant suspendu dans le vide au balcon d’un immeuble parisien, son objectif était de redorer son blason auprès des organisations de défense des droits des immigrés à travers une opération de communication menée rondement tout au long du lundi 28 mai 2018. En effet, l’objectif politique visé par Macron était d’occuper l’espace médiatique et de jouer au président défenseur des droits de l’homme. Un rôle difficile à incarner depuis son élection quand, pendant le même temps, on est l’auteur du projet de loi asile et immigration et qu’on réprime à tout-va les immigrés clandestins.

La misère qui a fait fuir Mamoudou Gassama pour la France, c’est cette même misère qui continue à faire fuir les habitants de nos villages et de nos campagnes pour venir s’abriter à Bamako, au péril de leurs vies. C’est encore cette misère que vivent nos populations au quotidien, doublée de l’ignorance des principes de fonctionnement de nos structures administratives qui est exploitée comme fonds de commerce par certains élus politiques véreux pour les arnaquer, parce qu’ils sont sûrs de ne pas être inquiétés par la justice.

Après les inondations dans certains quartiers du District suite à la pluie diluvienne du 16 mai 2019, les conseillers politiques du président Ibrahim Boubacar Keïta ont initié une opération de communication similaire à celle de Macron, faisant décorer le jeune Mamoudou Diarra, considéré comme le héros du jour, parce qu’il s’était illustré par un acte de bravoure en sauvant de la noyade la vie de neuf (9) enfants au péril de la sienne. À travers cette décoration et la remise de la clé d’un véhicule flambant neuve, l’équipe de communication a projeté dans les médias classiques et sur les réseaux sociaux l’image d’un président généreux, humain, attentionné, proche de ceux qui vivent violemment la pauvreté et la misère dont est complice la classe politique issue du mouvement démocratique qui a géré ce pays pendant près de trente ans.

Pendant que le jeune Mamoudou Diarra est en train de savourer sa joie de nouvelle recrue dans le corps des sapeurs-pompiers du Mali avec sa médaille de reconnaissance et son nouveau véhicule, les familles des quinze personnes qui ont péri dans cette inondation continuent de pleurer la disparition de leurs proches ainsi que les dégâts matériels occasionnés par les eaux. Les élus communaux qui sont en partie responsables de cette situation sont en train de vaquer paisiblement à leurs occupations comme si de rien n’était. Eh oui ! C’est ça le Mali ! C’est la pauvre victime qui est toujours accusée et c’est elle qui paie le prix le plus fort. Un maire qui se souci réellement de la vie des citoyens de sa commune doit-il morceler et vendre des parcelles dans des zones inondables ? Cette “sinistre” opération de communication initiée par la présidence de la République doit-elle nous faire oublier l’insouciance et l’irresponsabilité de certains élus communaux dont la seule préoccupation pendant la durée de leur mandat est de s’enrichir dans la spéculation foncière ?

Monsieur le président de la République, si la récompense du mérite est une vertu, la sanction de la faute en est une également. Tout comme vous venez de le faire après le massacre du village d’Ogossagou et l’attaque du camp de Dioura, il est nécessaire aujourd’hui que les décideurs politiques et administratifs impliqués dans la vente des parcelles incriminées soient sanctionnés afin de donner un exemple de dissuasion. Au-delà de l’opération de communication, la justice doit se saisir de ce dossier pour faire son travail.

Récompenser c’est bon, Monsieur le Président, mais sanctionner c’est encore mieux dans des circonstances pareilles.

Sambou Sissoko

 Le Démocrate