Rien que l’année scolaire 2019-2020, le Gouvernement a déboursé 44 milliards de FCFA pour la prise en charge des demi-bourses, des frais scolaires et la pension alimentaire des élèves orientés dans les établissements Secondaires Privés. Pour l’utilisation de cette manne financière, des vampires tapis dans l’ombre s’adonnent à toutes sortes de mauvaises pratiques afin de s’enrichir sur le dos de l’Etat.

Ces dernières années, dans tous les services où on parle d’agent, les maitres mots sont : gabegies financières, détournements de fonds, délinquance  financière , manques à gagner. Les maigres ressources de l’Etat constituent des vaches laitières pour beaucoup de fonctionnaires. Au regard de la gravité du phénomène, lors de sa prestation de serment, le Président de la Transition, Bah N’Daw a précisé ceci : « Je ne peux pas promettre zéro corruption mais je ferai tout pour que l’impunité zéro soit la norme ».

Cela permet de comprendre à tel point la corruption et la délinquance ont pris le dessus dans nos services.

 ECOLES PRIVÉES, UNE AFFAIRE DE SOUS ET D’ENRICHISSEMENT ILLICITE !

Ce qui est surtout aberrant dans l’affaire des écoles privées au Mali,  est que certains promoteurs avec des agréments en poches, des écoles fictives, des écoles en chantier , des maisons ne répondant pas aux  normes, bénéficient des élèves de l’Etat.  Au même moment certaines écoles privées qui répondent à toutes les normes ne bénéficient d’aucun élève.  Quelle incongruité ? Le clientélisme, l’affairisme, les liens de parenté, les dessous de table passent par-là sur le dos de l’Etat. Comme dirait l’autre, « qui parle d’école privée parle d’argent facile ».

Faut-il le rappeler, c’est l’Arrêté Interministériel n°2017-1207/MEF-MEN-SG du 28 avril 2017 qui fixe le taux des frais scolaires alloués aux établissements privés d’enseignement secondaire. C’est ce décret qui fixe les taux annuels par élève des frais scolaires alloués aux établissements privés d’enseignement secondaire au titre de la prise en charge de la formation des élèves orientés par l’Etat dans lesdits établissements. Les taux déterminés en fonction des filières de formation sont fixés ainsi qu’il suit : Enseignement Secondaire Général : 96.000 FCFA ; CAP Tertiaire : 108.000 FCFA ; CAP Industrie : 132.000 FCFA ; B.T Tertiaire : 132.000 FCFA ; B.T Agro-Pastoral : 162.000 FCFA ; B.T Industrie : 162.000 FCFA. Selon ce texte, le paiement des frais scolaires s’effectue comme suit : première tranche : première quinzaine du mois de mars de l’année en cours ; deuxième tranche : seconde quinzaine du mois de mai de l’année en cours.

Si l’Etat consent tout ce sacrifice en vue de permettre aux écoles privées d’assurer une éducation de qualité aux enfants, à plusieurs niveaux ce sacrifice est vain. « Cette question d’école privée est un vrai business. Tu crées ton école cette année, il suffit de passer là où il faut au niveau de la Cellule de Planification et des Statistiques de l’Education (CPS), des Académies,  on donne  50 à 100 élèves ou plus. En retour, quand les sous tombent tu payes  entre 15.000 FCFA et 25.000 FCFA par élève. Cela fait plusieurs centaines de millions par ans. Tu payes cet argent, il y a d’autres charges comme le salaire des enseignants, le loyer, l’eau, l’électricité. Donc il faut se contenter du peu de résultat obtenu », nous ont confié  des sources bien introduites dans ce secteur. Elles ajoutent : « Parfois, tout n’est pas lié à l’argent, mais il y a des liens de parenté, d’amitié et autres ». 

Les griefs de l’Association des Ecoles Privées Agréées du Mali (AEPAM) contre la mafia instituée en système

Le  Secrétaire général de l’Association des Ecoles Privées Agréées du Mali (AEPAM), Boulkassoum Touré enfonce le clou : ‘’Parfois avec ton Titre Foncier (TF), ton établissement qui répond à toutes les normes,  des enseignants qualifiés, tu as moins d’élèves qu’un promoteur qui a une villa modifiée en établissement. Nous avons toujours dénoncé cette situation. Si elle continue, nous n’allons pas reconnaitre les orientations’’. Selon lui, comment cela peut s’expliquer ? Imaginez la suite.

M. Touré dénonce : « pas d’équité, pas de justice, pas de procédure légale, pas de respect de critères ». Sur quelle base technique apprécier ? Quel critère de performance ?

Si des sources confirment sans ambages que dans certains cas, il faut des dessous de table, le secrétaire général de l’AEPAM préfère dire ses quatre vérités, mais de façon diplomatique, en ces termes : ‘’Parfois des élèves sont orientés dans des écoles nouvellement créées, alors que celles qui existent depuis 20 ans ne bénéficient même pas d’un seul  élève de la part de l’Etat. Cela est inacceptable et inadmissible. Nous avons toujours des griefs contre la CPS qui est un service d’appui et non un service central. Cette mission doit revenir aux services centraux. Quand on n’est pas dans son rôle, toujours il y a des plaintes. Ce qui se passe dans la pratique, le résultat final est mauvais. Toute chose qui a des conséquences sur le bon fonctionnement des établissements privés. Parfois ils orientent des élèves dans des écoles fictives ou en chantiers. Parfois la CPS se base sur leurs actes administratifs pour les donner des élèves. Après les orientations dans les écoles fictives ou en chantiers, finalement l’académie est obligée de redéployer ces élèves’’.

COMBAT CONTRE LES ECOLES FICTIVES !

Selon des indiscrétions, dans une localité où il n’y a pas d’école publique, ou si elle est située très loin des établissements privés ou des enfants, la priorité est donnée aux écoles privées.

« Parler d’écoles fictives c’est le combat que nous menons. Nous apprenons très souvent qu’il y a des écoles fictives dans lesquelles des enfants ont été orientés », nous a confié des sources dignes de foi. Ces sources ajoutent ce qui suit : ‘’A la CPS les établissements retenus dans la circonscription dans une Académie sont généralement identifiés et reconnus en tant que tel par les services déconcentrés notamment les académies. Quand nous partons pour les évaluations dans ces circonscriptions, ce sont les académies qui nous disent : « voilà la liste des établissements que nous reconnaissons comme établissements fonctionnels que vous pouvez aller visiter pour évaluer les capacités dans la perspective de leur donner des enfants ». Il arrive parfois qu’eux-mêmes, à un moment donné, ne sont pas au courant de la fonctionnalité totale et entière de certains établissements, parce que les écoles se créent tout au long de l’année, mais au même moment certains établissements qui existent mais qui, pour des raisons de difficultés financières, peuvent fermer pendant que l’information n’est pas remontée pour qu’on se rende compte, parce que le suivi est seulement annuel. S’il y avait un suivi régulier presque par trimestre ou à chaque mois on peut savoir à quel moment tels et tels établissements ont eu des difficultés au point de les amener à fermer. Chaque fois que ce constat est fait sur le terrain, les académies nous informent et nous disent qu’elles vont redéployer les enfants ailleurs’’.

Ces sources révèlent ceci : ‘’Dans toutes activités humaines dès que vous mettez les hommes ensemble pour travailler et gérer des situations de ce genre derrières lesquelles il y a des enjeux, c’est inutile de vouloir dire que des tentatives de corruption n’existent pas. Ces comportements peuvent bien exister. On est dans un domaine où la quête de la perfection est un combat perpétuel, on essaye d’améliorer dans la mesure du possible pour éviter ces cas qui nous parviennent’’.

LE MINISTRE DE L’EDUCATION, PR DOULAYE KONATE ET LE DIRECTEUR DE LA CPS, DR DIAKALIA KONE DETERMINES A BARRER LA ROUTE AUX FOSSOYEURS

Si le Directeur de la CPS, Dr Diakalia Koné se bat en vue de barrer la route aux ‘’microbes’’,  Le ministre de l’Education, Pr Doulaye Konaté, comme ses prédécesseurs, mène le combat  contre la fraude aux examens et  contre les orientations faites de manières fallacieuses, etc. Il nous revient que les autorités du Département ont conscience que de telles pratiques existent et c’est pourquoi elles se battent perpétuellement pour que cela cesse.

’Avec l’actuel ministre de l’Education, beaucoup d’informations sont parvenues au Département. Puisque chacun de nous parle du nouveau Mali, on a essayé de voir comment on peut baliser le terrain et mettre le maximum de garde-fous pour que de telles pratiques cessent. La CPS est accusée d’être à l’origine de ces pratiques. Pour situer les responsabilités, cette année le ministre a mis chacun devant ses propres responsabilités. Les orientations se font aussi dans les régions. Donc une partie de la responsabilité provient aussi des régions. Il s’agit de faire en sorte que les régions puissent se reconnaitre dans le travail qu’elles ont eu à faire à la base et la CPS ne fera qu’un travail de compilation, d’arbitrage, de contrôle de cohérence pour s’assurer que les consignes et les instructions des plus hautes autorités du Département ont été respectées. Il s’agit de la priorité accordée aux établissements publics, aux enfants qui doivent aller dans les établissements secondaires et le respect des instructions par rapport à ceux qui doivent aller dans les écoles techniques professionnelles agro-pastorales’’, disent nos sources.

Tougouna A. TRAORE

NOUVEL HORIZON