Lancée le 4 juillet dernier par le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga en présence du ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable, l’opération d’évacuation des dépôts de transit des déchets dans la ville de Bamako avait suscité beaucoup d’espoir dans l’amélioration du cadre de vie. Quelques semaines après cette action salvatrice, le constat est amer

 

Sans hygiène, pas de vie saine. Cette assertion corrobore aujourd’hui la situation sanitaire des populations vivant dans nos quartiers. à la fin des années 1990, après l’avènement du multipartisme au Mali, à la faveur de la décentralisation, le domaine de l’assainissement a été transféré aux collectivités territoriales.

Dès lors, la problématique de l’assainissement dans notre pays est devenue un casse-tête pour les pouvoirs publics. Chaque année, ce sont des milliards de Fcfa qui sont injectés dans l’évacuation des dépôts de transit et le curage des caniveaux rien que dans le District de Bamako. Cependant, le résultat est toujours le même : c’est le statu quo ou un retour à la case départ quelques jours après. Les caniveaux sont obstrués par les détritus de toutes sortes et les dépôts de transit sont à nouveau engorgés.

Qu’est-ce qui explique cette situation ? Selon Oumar Camara, chef de service assainissement, contrôle des pollutions et des nuisances (SACPN) à la mairie de la Commune IV du District de Bamako, il s’agit ni plus, ni moins d’une défaillance du système. En effet, dans l’organisation de la gestion des déchets, la pré-collecte est dévolue aux mairies. Cela signifie que le ramassage des déchets au niveau des ménages est effectué par des Groupements d’intérêt économique (GIE) qui ont un contrat de prestation avec la mairie dans le ressort de laquelle se trouve un dépôt de transit.

Comme son nom l’indique, un dépôt de transit est un espace où les déchets sont stockés provisoirement. En principe, indique Oumar Camara, ce stockage ne doit pas dépasser au plus 48 à 72 heures sur les lieux. C’est la mairie du District, à travers son service, la direction des services urbains de voirie et d’assainissement (DSUVA) qui doit prendre le relais et transporter les déchets vers une ou des décharges finales. Ce travail est effectué depuis une dizaine d’années maintenant par une entreprise privée, Ozone-Mali, dans le cadre d’un contrat de prestation avec la mairie du District.

2 MILLIARDS DE FCFA- Malheureusement, ce système ne fonctionne pas correctement. Malgré les efforts consentis par le gouvernement, chaque année avec le désengorgement des dépôts de transit à coût de milliards, les déchets reviennent au galop, réduisant à néant le travail accompli par les soins des services d’assainissement, du contrôle des pollutions et des nuisances qui pilotent les opérations.

C’est le cas, dans la présente opération. Après le lancement en pompe de l’opération d’évacuation des dépôts en Commune IV, en Commune II, à Kati, qui a coûté plus de 2 milliards de Fcfa, notre équipe de reportage s’est rendue sur le terrain pour faire le constat. Espace jouxtant le cimetière dudit quartier, le dépôt de transit de Lafiabougou offre un spectacle de désolation, seulement deux semaines après son évacuation totale.

Des charrettes à traction animale patientent dans une rue boueuse en cette période d’hivernage, pour se frayer un chemin afin de déverser leur chargement à même le sol sur un espace qui était nu il y a seulement quelques jours, par les soins du gouvernement. L’air y est irrespirable à cause des odeurs pestilentielles des ordures, au grand dam des riverains.

Selon Oumar Camara, chef des opérations d’évacuation, ce sont 92.000 m3 de déchets qui ont été évacués du site en deux semaines. Il estime que ce site reçoit un flux évalué à 500 m3 de déchets par jour. Si l’évacuation n’est pas faite de façon régulière, on assiste forcément à une accumulation de tas d’ordures qui crée cette situation désagréable, regrette le technicien.

Sur le dépôt du Centre de formation professionnelle (CFP), en face du stade Modibo Keïta, à un jet de pierre du groupe scolaire Soumangourou Kanté, c’est le même constat d’amertume. La voie d’accès au dépôt est inaccessible. Une cohorte de charretiers est à la manœuvre. Les usagers de la route menant au marché de Médine sont circonspects. Comment, en si peu de temps où cet espace avait été dégagé, on en revient à cette situation ? La réponse est simple selon Bakary Kané, chef SACPN de la Commune II du District de Bamako. «Le mal est connu, la solution est là, mais c’est la volonté qui manque».

ÉQUIPER LA DSUVA- En effet, ce dépôt comme tous les autres, a besoin d’être aménagé. Par exemple, au niveau de Lafiabougou, il faut créer une ceinture de caniveaux pour le drainage des eaux fluviales et paver la rue qui sépare le cimetière et le dépôt, suggère Oumar Camara. Selon le technicien, l’aménagement d’un dépôt répond à certaines normes. Le dépotoir doit être réservé.

Les voies d’accès au dépôt pour les charrettes qui ramassent les déchets au niveau des ménages doivent être bien définies. Il faut également réserver un espace à chaque type de déchet (ferraille, plastiques, objets récupérables et recyclables, etc.) pour permettre le tri sur place. Ces activités de tri permettent de réduire le volume des déchets. Dans le cas précis de Lafiabougou, il était prévu un espace vert. Mais, ce projet n’a jamais vu le jour.

Pour résorber le problème des dépôts, il importe de mettre en place un véritable mécanisme de gestion efficace, estime Mme Coulibaly Rokiatou Doucouré. Cette technicienne de la DSUVA en service à la mairie du District estime que les milliards de francs qui sont dépensés dans les évacuations spontanées doivent être investis dans l’équipement de cette structure dédiée à la gestion efficace des déchets. Car, malgré la présence de l’entreprise Ozone, aucun progrès n’a été enregistré depuis près de dix ans.

Aujourd’hui, l’état doit agir en mettant les acteurs devant leurs responsabilités pour éviter cette saignée financière au budget national. Aussi, la gestion efficace des déchets nécessite une forte implication des populations. Ce premier maillon de la chaîne doit être sensibilisé à la gestion à domicile des ordures ménagères. Il faut que les citoyens aient le reflexe de la poubelle et du tri. D’où, la redynamisation de la Journée nationale citoyenne d’assainissement instaurée par le département en charge de l’environnement en 2017. C’est à ce seul prix-là que les Maliens pourront espérer sortir de cette situation d’insalubrité chronique. En attendant, c’est l’argent du contribuable qui part en fumée. Et depuis combien de temps déjà on fait du surplace !

Cheick Amadou DIA

Source : L’ESSOR