Il est porté par des organisations de la société civile et des personnalités afin de soutenir les engagements du gouvernement. L’artiste Alou Cissé dit Zol a fait de cette initiative son cheval de bataille

 

La gestion des déchets notamment plastiques est l’un des défis majeurs auxquels sont confrontées les villes des pays en voie de développement comme Bamako. Cette situation est due à la croissance démographique et la diversité des activités socio-économiques. Conséquences : des tas d’immondices poussent au cœur de nos villes, des caniveaux sont transformés en dépotoirs d’ordures et des déchets brûlés dans les rues. Les eaux emportent ces déchets indestructibles dans les rivières, qui se déversent ensuite dans les fleuves Niger et Sénégal, souillant ainsi la source principale des eaux de consommation.

Pour faire face à la situation, les autorités ont fait voter la loi n° 2014-024 du 3 juillet 2014 interdisant la production, l’importation et la commercialisation des sachets plastiques non biodégradables dans notre pays. Malgré l’existence de cette disposition, ces matériaux utiles, indestructibles, nuisibles à l’homme et à son environnement continuent de circuler à travers le pays. Ils sont utilisés à des fins multiples.

Face à cette situation et au regard du danger qu’il représente, des efforts de sensibilisation s’imposent et l’implication de tous semble plus que jamais nécessaire pour venir à bout de ce fléau. Conscient de cet état de fait et pour appuyer les initiatives gouvernementales, Alou Cissé dit Zol a fait de la lutte contre les sachets plastiques non biodégradables et la préservation de l’environnement son cheval de bataille. Objectif : Zéro plastique au Mali.

Le trentenaire est connu par nombre de Bamakois à travers sa couverture faite exclusivement de sachets plastiques noirs qu’il porte sur lui et qui enveloppe entièrement son engin à deux roues. Danseur chorégraphe de son état, Zol estime que les artistes doivent contribuer à l’éducation des populations pour aider les citoyens à comprendre, intégrer le besoin et l’urgence de changer les modes de consommation des plastiques. Les artistes, pense-t-il, peuvent inspirer les populations. Celles-ci peuvent à leur tour inspirer les gouvernements ou les gouvernants.

Comment est venue l’idée de se couvrir de sachets plastiques de couleur noire ? «C’était en 2004. Je partais à l’Aéroport avec des étrangers. Tout au long du chemin, nous constations des sachets plastiques qui ornaient la nature. Du coup, ces étrangers commençaient à se moquer de mon pays. à partir de cet instant, j’ai décidé de faire de la protection de la nature contre ces sachets plastiques non biodégradables une lutte personnelle. à mon retour, j’ai réfléchi à ce que je peux faire concrètement en tant qu’artiste pour sensibiliser mes concitoyens sur l’utilisation de ces sachets» explique-t-il.

Pour joindre l’acte à la parole, Zol crée des pièces de sensibilisation qu’il présente dans les salles de spectacles. «Le message élaboré à cet effet n’atteignait pas un grand nombre de personnes comme je le voulais. Beaucoup de gens n’ont pas accès aux salles. Alors cette idée m’est venue de porter des sachets malgré tous les dangers qu’ils représentent pour mon corps et d’orner mon engin à deux roues en vue d’attirer l’attention sur le fait que ces matériaux constituent un danger pour la nature. Pour ce faire, j’ai acheté des sachets neufs que j’ai pris soin de raccommoder comme parure», dit-il.
Dans cet habillage en sachet noir, Zol fait des performances dans les lieux de mariages, les festivals et autres rencontres. «Mon objectif est de mettre fin à l’essor de ces plastiques qui ont un impact considérable sur les animaux, les êtres aquatiques et ralentissent la croissance normale des cultures. Depuis 2012, le Mali s’est engagé à supprimer les plastiques non biodégradables. Cet engagement de l’état ne modifie en rien le paysage bamakois où les rues regorgent de plastiques en tous genres. Je compte aller partout au Mali en vue de sensibiliser les populations sur les dangers et les méfaits des sachets plastiques», révèle-t-il.

Pour ce faire, Alou Cissé dit avoir élaboré un projet dénommé : «Sauvons la nature» qui attend d’être financé. Il s’agit d’un appel à un réveil citoyen concernant la question des déchets plastiques. Avec des actions artistiques, à travers son Association «Graines de danseur», il voudrait sensibiliser la population afin de mettre en place des alternatives à l’utilisation des plastiques à usage unique. «Nous voulons lancer une opération de ramassage des plastiques qui envahissent nos rues pour les valoriser, aller à la rencontre des habitants afin de leur exposer des solutions écologiques comme alternative à l’utilisation des sachets plastiques. Nous ne voulons pas que nos animaux meurent davantage à cause de l’ingestion de sacs en plastique. 
Nous voudrions que nos pêcheurs continuent à pêcher du poisson, pas du plastique. Nous espérons que nos enfants pourront continuer à vivre correctement sur cette Terre», interpelle l’artiste.

En attendant le financement de ce projet, Alou Cissé continue d’alimenter la curiosité de nombre de personnes. Comprennent-ils le sens de son combat et le message qu’il cherche à véhiculer ? Difficile de répondre par l’affirmative. Une chose est sûre des initiatives de transformation ou de recyclage des sachets plastiques non biodégradables se multiplient à Bamako.
Ces initiatives visent globalement à transformer ce qui est connu de tous comme une source de dégradation de l’environnement en milieu urbain en «opportunité économique sous la forme d’une entreprise sociale avec une stimulation de l’esprit entrepreneurial» chez les jeunes et les femmes. Il s’agit là de fabriquer des pavés à base de sachets en plastique collectés dans nos quartiers par les femmes et les jeunes. La technique est moins coûteuse.

Les déchets plastiques sont fondus dans un récipient. «La pâte obtenue est ensuite passée à travers un moule pour produire les pavés. Les mêmes déchets plastiques étant utilisés comme combustible, les coûts de production sont considérablement réduits», détaillent les experts.
Des projets similaires ont commencé à pousser un peu partout à Bamako. En la matière, l’ambassade de France au Mali dit disposer d’une enveloppe financière estimée à 350 millions de Fcfa pour financer 19 associations œuvrant pour la protection et la préservation de l’environnement. Des usines de transformations de déchets plastiques se sont implantées et font vivre des milliers de femmes et jeunes qui récupèrent les sachets plastiques sur les dépôts et décharges d’ordures pour les revendre aux industriels.

Aminata Dindi SISSOKO

Source : L’ESSOR