Inculpé, vendredi 3 septembre, pour « meurtres, coups mortels, coups et blessures volontaires aggravés et complicité », dans le cadre de l’enquête sur les manifestations des 10, 11 et 12 juillet 2020, qui ont 23 morts, le patron de la FORSAT (Force spéciale Antiterroriste) a été incarcéré à la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako. Mais, sa libération sous la pression de ses éléments, lourdement armés, venus assiéger la prison, a suscité colère et indignation au sein de la population, de la classe politique, des magistrats et des Associations des Droits de l’Homme. Tous réclament des sanctions exemplaires contre les auteurs de ces actes, qui n’honorent ni notre pays, ni l’Etat de droit.

Le commissaire divisionnaire Oumar Samaké a – à peine – été placé sous mandat de dépôt, ce vendredi 3 mars 2021, en milieu de matinée, que les réseaux sociaux s’en font l’échos. Mais pas pour longtemps. Quelques heures après, c’est à dire, aux environs de 18 heures, lourdement armés, à bord de leurs véhicules, les éléments de la FORSAT quittent leur base. Destination : la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako.
Sur place, ils exigent la libération de leur commandant. Au besoin, par la force.
Pour éviter un affrontement aux conséquences incalculables, l’administration pénitentiaire obéit. Sans autre forme de procès. Incarcéré, en milieu de journée, le commissaire divisionnaire Oumar Samaké est extirpé de sa cellule. Et livré à ses éléments, qui manifestent leur joie, en tirant des coups de feu en l’air.
Comme une trainée de cannelle, la nouvelle se répand à travers la ville. La colère des uns le dispute à l’indignation des autres.

Ni faiblir, ni fléchir dans cette lutte

A l’origine de l’arrestation du commandant de la FORSAT, l’enquête lancée sur les manifestations des 10, 11 et 12 juillet 2020 qui ont fait 23 morts et plusieurs dizaines de blessés.
Pour réprimer les manifestations, le régime d’alors n’a trouvé mieux que d’envoyer la FORSAT sur place. La suite, on la connaît. Le bilan est lourd. Tant en nombre de morts qu’en nombre de blessés. S’y aoutent les dégâts matériels, jugés « importants ».
Du coup, le Mouvement M5-RFP, à l’origine de ces manifestations, réclame une enquête libre et indépendante sur ces tueries. Avant de porter plainte contre X devant le tribunal de première instance de la commune III du District de Bamako.
« Le M5-RFP continue de suivre l’évolution de la situation et prendra toutes ses responsabilités, de concert avec toutes les forces acquises à l’égalité des citoyens devant la justice et à la fin de l’impunité au Mali, pour l’organisation très prochaine d’un grand rassemblement de soutien à la justice au monument de l’indépendance à Bamako », dit son vice-président, Bouba K. Traoré. C’était dans un communiqué daté du 4 septembre dernier.
Après un silence, jugé « long » sur cette affaire, le gouvernement sort, enfin, de son silence. Dans un communiqué paru le 4 septembre dernier, il condamne les actes perpétrés par les éléments de la FORSAT à la Maison Centrale D’Arrêt de Bamako. Avant de rassurer que la lutte contre l’impunité et la corruption sera menée à son terme.
« Le gouvernement a retenu dans son programme d’action, la lutte contre la corruption et l’impunité. Il ne saurait ni faiblir, ni fléchir, dans cette lutte », poursuit le communiqué.

Des « actes illégaux
et intolérables »

« Le SAM et le SYLIMA, tout en condamnant, fermement, ces agissements illégaux et intolérables, rappellent à tous que le Mali est un Etat de droit où tous demeurent sujets de droit quels que soient leurs titres, grades ou qualités », indiquent les deux syndicats de la magistrature, dans un communiqué datant du 04 septembre. Avant de conclure, dans le même communiqué : « Faute d’actions vigoureuses et vérifiables dans les meilleurs délais contre les auteurs et complices de cette rébellion, les syndicats de magistrats en tireront les conséquences par des actions syndicales dissuasives pour vaincre toute forme d’atteinte à l’autorité et à l’indépendance du pouvoir judiciaire ».

Des sanctions exemplaires

Pour l’AMDH (Association Malienne des Droits de l’Homme), la lutte contre l’impunité doit se poursuivre, sans discrimination, aucune. Cependant, elle s’étonne de l’attitude des plus hautes autorités face à la situation. Elle les exhorte à prendre des mesures à la hauteur de la situation, en « restaurant la décision de la justice et en prenant des sanctions exemplaires contre les personnes impliquées », assure Me Moctar Mariko, président de l’AMDH.
La classe politique n’est pas restée en marge de cette affaire, qui sape les efforts des autorités de la Transition dans la lutte contre l’impunité. Pour Moussa Mara, leader du parti « YELEMA » (le changement), le geste des éléments de la FORSAT est « un précédent dangereux contre l’Etat de droit ». Aussi, il « demande aux autorités de la transition de faire, strictement, respecter la loi et de consacrer le principe du « nul n’est au-dessus de la loi » .
Même réaction au sein de la population qui réclame des sanctions exemplaires contre les auteurs de cet acte jugé « intolérable ».

Oumar Babi 

Source: Canard déchainé