De 30.000, selon la police, à 50.000 personnes, selon les organisateurs, ont manifesté vendredi à Bamako à l’appel de chefs religieux musulmans, d’associations peules, de l’opposition et de la société civile pour dénoncer les violences dans le centre du Mali, avant d’être dispersées par la police.

La semaine dernière, les associations peules avaient annoncé puis reporté à deux reprises une manifestation dans la capitale pour condamner le massacre le 23 mars de quelque 160 habitants du village peul d’Ogossagou par des membres présumés de groupes de chasseurs dogons affirmant lutter contre les jihadistes.

“Mes frères peuls, la vengeance n’est pas la solution; mes frères dogons, il faut déposer les armes”, a déclaré devant la foule le président du Haut conseil islamique du Mali (HCIM), l’imam Mahmoud Dicko, impliqué à plusieurs reprises ces dernières années dans des efforts de médiation et un des organisateurs du rassemblement.

“Ceux qui sont venus nous aider doivent le faire en toute franchise ou quitter le Mali”, a ajouté le responsable religieux conservateur, devenu de plus en plus critique du pouvoir du président Ibrahim Boubacar Keïta, dit “IBK”.

Il visait notamment les troupes françaises, intervenant au Mali depuis l’opération lancée en janvier 2013 pour chasser les groupes jihadistes qui avaient pris le contrôle du nord du pays.

Après avoir participé à la prière du vendredi sur l’esplanade de la Bourse du travail, les manifestants ont rallié la place de l’Indépendance. Certains, dont des femmes voilées de noir, scandaient des slogans ou portaient des pancartes tels que “IBK dégage”, réclamant le départ de la France, l’aide de la Russie ou encore l’application de la charia.

Les forces de l’ordre, qui encadraient jusque-là la manifestation, interdite par les autorités, l’ont dispersée au moyen de gaz lacrymogènes lorsque la foule s’est dirigée vers le domicile du Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga en brûlant des pneus et lançant des pierres sur les policiers, selon un correspondant de l’AFP.

“Mauvaise gestion”
“Ce régime nous a fatigués, nos enfants, nos maris et nos parents meurent à cause de la mauvaise gestion d’IBK et de son clan”, avait auparavant déclaré au sein du cortège une veuve de militaire, Mariam Fomba, souhaitant qu’”IBK dégage”.

Au lendemain de tuerie d’Ogossagou, le gouvernement a prononcé le 24 mars la dissolution d’une association de chasseurs dogons, lui reprochant de s’être “écartée de ses objectifs initiaux” et a remplacé les principaux chefs d’état-major.

Ces limogeages au sommet de la hiérarchie militaire interviennent également après une attaque jihadiste le 17 mars contre un camp de l’armée à Dioura (centre), au cours de laquelle 26 soldats ont péri.

“Comme un seul homme le peuple malien est sorti pour dire non à la violence et non au nettoyage ethnique”, s’est félicitée dans un communiqué l’association Kisal, qui défend les droits des populations pastorales.

A Nioro du Sahel (nord-ouest), le chérif Bouyé Haïdara, un dirigeant religieux musulman très respecté, a participé à une manifestation similaire “pour les morts d’Ogossagou, contre la mauvaise gestion du pays par IBK et son Premier ministre incompétent”, selon son fils, Moulaye Oumar, joint par téléphone par l’AFP.

La tuerie d’Ogossagou a fait au moins 157 morts, selon les autorités locales, mais la principale association peule du Mali, Tabital Pulaaku, a publié une liste nominative de plus de 170 tués.

Le 10 février, l’imam Dicko et le chérif de Nioro avaient déjà réclamé la fin de la malgouvernance et de la “dépravation des moeurs”, appelant au départ du Premier ministre, devant plus de 60.000 personnes réunies dans un stade de la capitale.