L’histoire politique du Mali a basculé pour la première fois le 19 novembre 1968 avec le coup d’état militaire qui a mis fin à l’expérience socialiste de Modibo Kéita. Elle va basculer une seconde fois le 26 mars 1991 avec la chute du régime militaire de Moussa Traoré, le tombeur de Modibo Kéita.

Elle est en train de basculer pour la troisième fois avec ce qui apparaît comme une véritable facétie de l’histoire car, de nombreux acteurs du mouvement démocratique sont dans le collimateur.

Persévérer dans l’erreur est diabolique

Au Mali, un double paradoxe caractérise la vie politique et le fonctionnement de l’Etat : la mise à l’écart systématique des leaders déchus et le refus de toute remise en cause. Serait-ce la principale explication du grand retard que le pays connait dans différents domaines ? Modibo Kéita qui reste le plus grand homme d’Etat que le pays ait connu, est resté inflexible malgré les effets pervers de la révolution active qu’il a prônée en 1966. Les maliens qui ont toujours pratiqué un social des plus hardis avaient-ils besoin d’un socialisme calqué sur le modèle chinois ? Le Comité Militaire de Libération Nationale a mis fin à l’expérience et interdit l’US-RDA, choisissant malheureusement de jeter l’enfant avec l’eau du bain, alors même que l’école, le système sanitaire, la culture, la politique d’industrialisation, la diplomatie assuraient au Mali un positionnement honorable. La purge intervenue au sein du CMLN en février 1978 a permis à Moussa Traoré de se débarrasser des faucons de son régime. On a alors cru à une embellie avant de déchanter parce que l’Union Démocratique du Peuple Malien n’a pas su décoder la soif de changement dans l’air du temps. Arriva donc la révolution de mars 1991 conduite par une véritable nébuleuse dont les membres n’avaient en commun que leur détermination à mettre fin au régime de Moussa Traoré. De nombreux « héros » de cette nébuleuse ne sont sortis de l’ombre qu’une fois la lutte terminée pour ravir la vedette aux élèves, étudiants et syndicalistes. Malgré l’avènement du multipartisme, l’UDPM aussi sera exclue du jeu politique parce qu’on craignait de voir revenir aux affaires un parti politique plus structuré et mieux implanté. Ainsi, d’Alpha Oumar Konaré à Ibrahim Boubacar Kéita, en passant par Amadou Toumani Touré, en dépit des graves perturbations sociales et des dysfonctionnements constatés au sein des institutions, aucune remise en cause n’a été faite. Voilà comment la cécité politique, l’égoïsme et la gestion clanique du pouvoir vont faire d’IBK à son corps défendant « le dernier des mohicans » de la 3ème république. Les maliens veulent enfin sortir du mensonge d’Etat et de l’hypocrisie, pour jeter les bases d’un nouveau contrat social mettant en place une vraie démocratie soutenue par une administration moderne, une armée républicaine puissante et une économie sainement gérée.

Réussir une véritable révolution sociologique

La constance et le courage qui manquaient tant aux politiciens maliens sont de retour avec Assimi et Choguel dont l’audience ne cesse d’augmenter, parce que ceux qui cherchent à les déstabiliser sont perçus comme les vrais responsables du mal qui ronge le pays. En effet, depuis qu’ils sont aux affaires, le discours politique est dépouillé des intrigues politiciennes habituelles, suscitant l’intérêt des couches sociales exclues qui se sentent désormais mises en valeur. Ceux qui s’attaquent à Choguel Maïga en particulier au motif qu’il est l’héritier politique de Moussa Traoré occultent sciemment le fond du problème, car les maliens ont de fait réhabilité Moussa Traoré qui ne s’est jamais comporté en coupable, au contraire de ses tombeurs de 1991 dont certains continuent à raser les murs à Bamako. Comment pourrait-il en être autrement au regard des résultats calamiteux de leur gestion ? Un pays sans défense nationale à la merci des groupes rebelles, une élite politique corrompue, une jeunesse oisive abonnée au chômage, une société culturellement et socialement dépravée. Bouder les Assises nationales dans ces conditions, c’est se comporter comme des occupants coupables d’une cour commune qui refusent d’apporter de l’eau pour éteindre un incendie. Exiger des élections sans réformes majeures, revient à mépriser les maliens et la démocratie en espérant que la France et de la CEDEAO vont étouffer le pays. C’est le comble du cynisme ! Devant la peine qu’éprouvent ses alliés locaux et sous régionaux pour réduire le Mali, Macron aurait décidé de prendre lui-même les choses en main en faisant le déplacement à Bamako. Comme la ville de Gao ne se trouve plus en territoire conquis, il ne pourrait cette fois y accéder sans passer par Koulouba. Le hasard n’existe pas dans notre culture et les Maliens qui connaissent parfaitement le stratagème du Cheval de Troie sauront rester vigilants. L’histoire retiendra qu’un jeune officier patriote a su en 2021 faire entendre la voix du Mali dans le concert des nations. Dieu a certainement entendu les nombreuses complaintes des damnés de la démocratie spoliés de tout par des politiciens sans légitimité, aussi véreux que poltrons. Pour les bourreaux, c’est le chant du cygne qui annonce une retraite forcée ou anticipée pouvant commencer par la prison. Comprenne qui voudra.

Les oiseaux de proie qui régnaient en maîtres absolus sur les rives du Djoliba sont inquiets. Un nouveau roi des airs surveille la vallée depuis les hauteurs de Kati et de Koulouba. Merci à tous les jeunes officiers des forces de défense et de sécurité qui ont choisi d’écouter le peuple, pour enfin reprendre courageusement le difficile chemin de l’honneur et de la dignité. Alors, tous debout sur les remparts et haut les cœurs !

 

Mahamadou CAMARA                                                      

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Source: L’Alerte