La liberté de la presse est une quête permanente, soumise au Mali à de nombreuses menaces. Insécurité, accès difficile à l’information ou encore intimidations, les défis sont nombreux et l’exercice de la profession de plus en plus compliqué. Une liberté de la presse menacée également par les enlèvements et les détentions arbitraires. Nous avons choisi, au travers d’exemples concrets et récents, de mettre en exergue tous les écueils voire dangers auxquels font face les journalistes dans leur mission d’informer. 

Interpellé le 6 mai puis auditionné et placé sous mandat de dépôt le 7 mai 2021 par le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune IV du District de Bamako, le chroniqueur Mohamed Youssouf Bathily est poursuivi suite à une plainte pour outrage à magistrat. Les juges devront déterminer s’il s’agit de la liberté d’expression reconnue à la presse ou d’un délit, comme le soulignent les termes de la plainte.
 
Elle a été adressée au Procureur par le Syndicat autonome de la Magistrature (SAM) et le Syndicat libre de la Magistrature (SYLIMA), qui reprochent au chroniqueur de s’en prendre « vertement à des magistrats, ainsi qu’à l’institution judiciaire de notre pays ». Les faits dénoncés se sont notamment passés lors d’une émission de radio, le 21 avril 2021, et sur le réseau social Facebook. Dans des
« attaques totalement gratuites », selon les termes de la plainte, « l’intéressé », affirme notamment que le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la Commune III n’était pas compétent pour connaître de l’affaire dite de déstabilisation des institutions, dans laquelle le chroniqueur et ses coaccusés ont été acquittés le 19 avril 2021.
Le Procureur Mamoudou Kassogué, qualifié de « fou et pas sérieux » et le juge d’instruction Bourama Diarra, traité de
« jeune homme  qui penserait que la qualité de magistrat, ainsi que le respect, se résument à porter des vestes », entre autres, constituent pour le SAM et le SYLIMA des « attaques qui atteignent la magistrature dans son honneur et dans sa délicatesse » et « paraissent suffisamment caractériser le délit d’outrage à magistrat ».
Omerta Arrêté le jeudi 6 mai à son domicile, Ras Bath sera interrogé durant la nuit au commissariat du 5è arrondissement. Dehors, des dizaines de jeunes militants venus protester sont dispersés. Le lendemain, le chroniqueur est entendu au tribunal de la commune IV puis placé sous mandat de dépôt et conduit à la Maison  centrale d’arrêt d’où il avait été libéré le 19 avril. Son avocat, Me Kassoum Tapo considère que ce placement en détention par le procureur a été motivé par la mobilisation des militants de Ras Bath. Interrogé par RFI le 7 mars, il a tenu à leur rappeler que « ce n’était pas par la rue qu’on qu’on peut imposer quoi que ce soit à la justice».
Mais alors que le Comité pour la défense de la république (CDR) crie à l’acharnement et dénonce une tentative de « museler Ras Bath », d’autres voix s’élèvent pour déplorer la plainte pour «outrage à magistrats » qui concerne les deux avocats Maîtres Mohamed Aly Bathily, ancien ministre et père de Ras Bath, et Kassoum Tapo, également déposée par le SAM et le SYLIMA.
L’affaire a pris une telle tournure que c’est par médias interposés que Maître Boubacar Karamoko Coulibaly, ancien ministre, et les deux syndicats se sont livrés à une bataille autour des concepts et des « bonnes manières ». Le premier accusant les seconds de n’avoir pas usé des
« textes qui prévoient les modes de saisine et de règlement des incidents qui peuvent émailler les relations dans l’exercice des dits métiers » et d’avoir lavé « le linge sale »
sur la place publique. Les syndicats de répliquer qu’ils n’ont agi qu’en « qualité de victimes » ayant légalement porté plainte.
Concernant le cas Ras Bath, les défenseurs du droit à la liberté d’expression préfèrent rester prudents face à une plainte légalement portée et à une affaire en cours sur laquelle il est difficile de se prononcer. L’affaire est « sensible »
reconnaissent même les professionnels du droit, notamment les avocats, auxquels la corporation a demandé de ne pas se prononcer « publiquement »…Lire la suite sur journal du mali