“La déontologie journalistique apparaît comme une sorte de table des lois en matière professionnelle. Elle est impersonnelle …”

La première promotion de l’École supérieure de journalisme et des sciences  de la Communication (ESJSC) composée de 21 récipiendaires, porte le nom d’un grand journaliste et formateur, Diomansi Bomboté, dont la cérémonie de sortie s’est déroulée le samedi 18 juin dernier au CICB, sous la présidence effective du Premier ministre, Dr Choguel Maïga, en présence de membres du gouvernement. Plusieurs personnalités du monde de la Communication étaient également au rendez-vous pour rendre un vibrant hommage au parrain, absent.  C’est l’ancien directeur général de l’Ortm et Conseiller à la Communication de la Présidence, Salif Sanogo, qui a eu l’insigne honneur de lire le message du doyen Diomansi Bomboté. Voici le texte intégral.

Monsieur le Premier ministre,

Ayant passé ma tendre enfance, bercé par les effluves de l’indolent fleuve Sénégal au mois de novembre, juste à une période quand mon inoubliable village natal, Logo Sabouciré, est encore embaumé par les effluves qui se dégagent de l’indolent fleuve Sénégal en décrue après l’hivernage, devant le spectacle envoutant des récoltes de sorgho, de maïs, de riz et que sais-je encore, qui envahissent notre petite bourgade, croyez-moi, Monsieur le Premier ministre et chers amis, que le bonheur qui vous envahit échappe à tout discours.

Il faut avoir vécu une telle atmosphère pour en savourer la gratification qui vous envoute et vous transporte d’une joie comparable à celle de l’oiseau qui assiste, fébrile, au premier envol de sa progéniture ou encore la lueur fulgurante qui s’échappe des yeux d’une maman tremblotante en surprenant le premier pas de son enfant. Le sentiment commun à tous a un nom : la fierté !

C’est cette fierté qui étreint tous ceux qui, enseignants et administrateurs sans oublier nos tuteurs du gouvernement, se sont investis pour que ce jour de gloire arrive et nous réunisse aujourd’hui. La récompense d’un tel dévouement rejaillit sur tout le peuple malien dont les efforts, dans une admirable abnégation, ont investi dans cette formation. En tout cas, que serai-je devenu sans cette solidarité nationale ?

Ce qui m’a valu d’être retenu comme parrain de cette promotion peut être perçu comme la reconnaissance d’un investissement personnel. Mais cet investissement à lui seul est dérisoire. C’est donc toute une équipe, à laquelle je faisais allusion tantôt, qui, à travers ma personne, est saluée. Au nom de tous, je dis merci.

Merci Monsieur le Ministre Amadou Touré, merci à vous tous mes collègues, merci à vous, jeunes sortants pour l’immense honneur que vous me faites, que vous nous faites. Mais qu’est-ce qu’un journaliste ? C’est un intermédiaire entre ce qui se produit et un public qui a le droit de savoir. Un journaliste fait son travail quand il apprend aux autres ce qui leur échappe, ce qui est méconnu ou inconnu, ce que l’on ne voudrait pas qu’ils sachent, ce qu’on leur dissimule. Il me semble, alors, que la responsabilité du journaliste prend tout son sens en dévoilant des réalités inédites.

L’exigence professionnelle, qui prend appui sur la conscience personnelle, est nécessairement conditionnée par l’élaboration de pratiques rigoureuses, des principes et des codes de déontologie qui nous font l’obligation de traquer les faits avérés et de les exposer avec exactitude, bref, d’agir de manière indépendante mais responsable. Ce haut degré de responsabilité exige une maitrise exemplaire de la pratique de la profession. C’est à cela que s’attèle notre Ecole de journalisme. J’ajoute que la légitimité du journaliste se fonde sur sa capacité à assumer pleinement la liberté responsable des médias. La déontologie journalistique apparaît alors comme une sorte de table des lois en matière professionnelle. Elle est impersonnelle et s’applique normalement en tous temps et en tous lieux. Le travail journalistique ne doit s’inscrire dans aucune volonté de plaire ou de nuire. Le journaliste arbitre les faits de façon neutre. Cette posture n’est pas de tout repos, tellement le journaliste est au confluent de tant d’intérêts inconciliables. En voulant faire ce qu’il estime en âme et conscience être son travail, il arrive qu’il s’attire une bonne dose de haine de la part de ceux qu’il dérange.

La liberté de la presse est un dû. Elle est un pilier de la démocratie mais son usage impose des exigences. “La liberté sans frein, disait William Shakespeare dans sa pièce de théâtre, “La comédie des erreurs”, la liberté sans frein est toujours mariée avec le malheur”.

Avec un confrère français, on peut s’accorder à reconnaître qu’“une presse libre n’est pas une presse qui a toujours raison, et qui est toujours honnête, pas plus qu’un homme libre n’est un homme qui a toujours raison et qui est toujours honnête. Ne pas comprendre que la liberté est une valeur par elle-même dont l’exercice comporte nécessairement un bon et un mauvais pôle, c’est démontrer que l’on est décidément réfractaire à la culture démocratique”.

Votre défi, jeunes journalistes maliens, est de faire donc en sorte que la presse malienne ne soit pas réfractaire à la culture démocratique”.

Source: Aujourd’hui-Mali